Rencontre | Lucien Guignard, acteur à l’aura rayonnante

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Lucien Guignard ®Image droits réservés

Acteur, guitariste, coach en développement personnel… Lucien Guignard est un artiste romand aux multiples facettes. À 30 ans, après s’être formé en France et en Angleterre, il rentre en Suisse. Personnage déterminé, doté d’une empathie et d’un humour mettant instantanément à l’aise, Lucien éblouit par son charisme rayonnant et son sourire enjoué. Son goût pour la scène lui a été transmis par ses parents, qui l’ont emmené au théâtre et à l’opéra dès son plus jeune âge. Il fait ses premiers pas dans le rôle de Peter Pan sur les planches du Théâtre de l’Octogone. Cette première expérience sur scène est décisive pour lui : il deviendra acteur. Visant toujours plus haut, Lucien tente sa chance à Paris. Il rejoint le Giles Foreman Centre For Acting à Londres. La femme et le TGV, court-métrage dans lequel il interprète le premier rôle masculin aux côtés de Jane Birkin, remporte le Prix du cinéma suisse en 2017. En évoquant cette victoire, les yeux de Lucien brillent. Une sensibilité d’enfant, sa meilleure alliée. « Pour réussir, il faut se battre pour des choses plus grandes que soi. » Rencontre avec un artiste tout terrain.

Propos recueillis par Auriane Page

Aujourd’hui, de retour dans votre ville d’origine, quelle image avez-vous de la Suisse ?

La Suisse aujourd’hui pour moi, c’est un retour aux sources qui me donne beaucoup plus de temps pour développer mes propres projets, donner mes cours et m’essayer à la réalisation, notamment avec mes élèves. On a commencé à tourner un court-métrage basé sur une histoire vraie. Être en Suisse, ça me permet aussi de développer ma passion pour la musique. Ce pays est un cadre de vie absolument extraordinaire pour se développer.

Qu’enseignez-vous dans vos cours d’acting et de développement personnel ?

Dans mes cours, je transmets tous les outils que j’utilise pour être toujours prêt en tant qu’acteur. C’est autant du bien-être physique, mental ou spirituel à travers la méditation que des outils d’expression et de communication. Le théâtre, l’acting, on appelle ça l’école de la vie. On apprend tout d’abord à se connaître soi-même, à comprendre comment est-ce que l’on fonctionne psychologiquement, émotionnellement, intellectuellement, à déterminer quels sont ses blocages, à les lâcher, à voir où sont ses peurs, où on se cache, où on n’ose pas être intime en public pour pouvoir comprendre un personnage et pour pouvoir comprendre l’autre par extension. C’est aussi apprendre à avoir de l’empathie pour soi et pour les autres. On ne doit surtout jamais juger son personnage. Il faut justifier tout ce qu’il fait par rapport à la façon dont il a grandi, à ses traumas, au cadre dans lequel il s’est développé, le pays, le milieu social. Le pays d’où l’on vient change énormément la manière dont on envisage la vie, dont on se perçoit au sein de la société. J’ai toujours pensé que même en qualité d’amateur, tout le monde gagnerait à faire du théâtre. Si le monde entier se voyait enseigner le théâtre, il y aurait beaucoup plus de paix, d’amour, d’empathie et de bien-être.

Image droits réservés ®La Femme et le TGV, Timo von Gunten 2016

La formule de Stanislavsky — « être intime en public » — est une base de l’acting. Cela signifie-t-il que le comédien doit apprendre à se dévoiler sur scène au lieu de jouer un personnage ?

On dit « ne joue jamais ». Mon coach passe son temps à dire ça à ses élèves. C’est véritablement une histoire de sincérité. Plus on est vrai, plus on est soi-même dans les circonstances imaginaires du personnage, plus l’audience va pouvoir s’identifier au personnage, avoir de l’empathie pour lui et plus on donne de chance à l’histoire d’être transmise. L’acteur est là pour participer à raconter une histoire avec le réalisateur ou le metteur en scène et tout le reste de l’équipe. Tous mettent avec le plus de courage, de sincérité et de générosité possible, leur vérité émotionnelle, intellectuelle, psychologique et physique au service d’un texte.

Comment travaillez-vous au quotidien pour faire évoluer votre jeu ?

Depuis que je suis en Suisse, j’utilise beaucoup le Tai Chi, recommandé par Lee Strasberg, grand théoricien de la méthode ; je pratique le yoga pour l’alignement physique, la circulation de l’énergie, et la méditation. Je travaille au quotidien, que ce soit ma voix ou des textes. Aussi, les auditions que je fais sont une excellente source d’entrainement. J’adore recevoir une audition parce que j’ai l’impression de continuer à me former en même temps.

Comment avez-vous eu confiance pour vous lancer dans cette carrière d’acteur professionnel ?

J’avais confiance par les succès de mes premières expériences, à petite échelle. Aussi, j’ai réalisé que la vie pouvait être difficile pour tout le monde, que tout métier était potentiellement difficile. Je vois des gens qui ont des jobs, de très bons salaires et qui sont malheureux dans leurs vies. Ça me paraissait évident que pour être heureux, il fallait que je commence par choisir le métier que j’avais vraiment envie de faire. Quel que soit le succès que tu as dans le corps de métier que tu as choisi, c’est à l’intérieur que tu as la sagesse d’être heureux, satisfait et reconnaissant. J’ai aussi toujours cru que dans les périodes où ça n’avance pas trop, c’est à toi de faire en sorte que tu réussisses. On peut tout réussir selon les moyens qu’on se donne et le travail qu’on accomplit.

Quelles sont les autres passions qui vous habitent ?

J’ai réalisé en faisant ma formation pour acteurs professionnels que cet enseignement pouvait profiter à tout le monde. L’enseignement est alors devenu une passion absolue pour moi. C’est quelque chose qui me nourrit, pas seulement financièrement, mais dans mon âme, intellectuellement et psychologiquement. J’ai des témoignages attestant que ces cours font énormément de bien aux gens dans leur vie de tous les jours. C’est une passion que j’ai envie de développer dans ma vie, en parallèle avec mon métier de comédien. J’ai toujours adoré la musique. Je joue de la guitare, je compose, j’écris et je chante avec une violoniste exceptionnelle.

Image droits réservés ®The Program, Stephen Frears 2015

Quelles sont les valeurs essentielles pour évoluer en tant qu’acteur dans le milieu du cinéma ?

L’humilité, la curiosité… Je pense qu’il faut énormément de volonté et de courage. Les gens que j’ai rencontré qui sont au top dans ce métier, que ce soit des réalisateurs, des acteurs, ce sont des gens qui ne font pas ça pour nourrir leur ego, mais qui se battent pour quelque chose de plus grand qu’eux. La première question à se poser lorsque l’on aborde une œuvre est : de quoi parle-t-elle en termes intellectuels, historiques, littéraires, politiques, philosophiques et spirituels ? Le comédien se met au service de ce thème, il doit savoir pourquoi il se bat. On doit se battre pour l’autre, pour l’humanité, pour un message, pour une sagesse.

Vous pourrez voir Lucien Guignard sur scène dans la pièce mise en scène par Yves Pinguely, basée sur l’œuvre de Daniil Harms au Théâtre de l’Odéon à Villeneuve, du 26 au 28 octobre 2017.

Jetez un coup d’oeil à ses cours sur https://www.namarte.com/.

Bande-annonce La Femme et le TGV de Timo von Gunten: