Les Innocentes

Le secret avant la santé.

0
1914
Les Innocentes - Image droits réservés - © Mars Distribution

Suivre le récit tragique d’une infirmière (ou médecin) française qui est venu en aide à des nonnes d’un couvent polonais, voici la douloureuse histoire que traite Les Innocentes. Violées et enceintes, ces religieuses endurent des moments de honte qu’elles peinent à évacuer. Mathilde Beaulieu, elle, vient à la rescousse pour aider ces femmes meurtries.

En 1945, la guerre a transformé l’Europe en un immense champ de bataille qui reprend peu à peu un rythme normal, un rythme d’après-guerre. Les hommes sont devenus des machines de guerre et l’immoralité dont ils font preuve, n’est que le résultat d’innombrables batailles. Une telle atrocité n’excuse en rien la bêtise de ces hommes, certes, mais les circonstances peuvent expliquer ces actes odieux. Cette histoire vraie nous rappelle que la guerre fut une aventure frénétique – dans le mauvais sens du terme – pour la race humaine.

À travers le journal de bord – celui de Madeleine Pauliac – de cette interne française, nous plongeons dans l’univers peu chaleureux de nonnes d’un couvent polonais. Dans le froid de l’est européen, une nonne fugue du couvent et court à travers la forêt pour chercher de l’aide. Grâce au ciel – le terme est soigneusement choisi -, cette bonne soeur tombe sur Mathilde Beaulieu (Lou de Laâge) qui opère pour la Croix-Rouge. Tiraillée entre l’envie de porter secours et décliner l’offre, Mathilde décide de suivre la religieuse et découvre, à son arrivée au couvent, une soeur enceinte. À sa plus grande surprise, la jeune interne lève le voile sur une véritable tragédie : toutes ces femmes ont été violées par les troupes soviétiques. De plus, ces femmes sont sur le point d’accoucher.

Dans le froid et la solitude, ces soeurs vivront un enfer - Image droits réservés - © Mars Distribution
Dans le froid et la solitude, ces soeurs vivront un enfer – Image droits réservés – © Mars Distribution

Au coeur de cette histoire, outre l’affaire délicate qui se présente à Mathilde, nous sommes confrontés à un thème central : la foi. Ces religieuses touchées de plein fouet par ces actes, sont partagées entre la joie de la maternité et le voeu de chasteté. Le sentiment est si complexe que le malaise est palpable. Ce désir si fort d’une femme envers son futur enfant est extrême et pousse ces nonnes à transgresser les règles qui leurs sont imposées. D’ailleurs, le contraste est saisissant, car Mathilde est une athée, et ces événements imprévus poussent la jeune femme à changer d’opinion, et noue une forte relation avec les religieuses. Un échange poignant entre une poignée de femmes qui se tiennent les coudes pour ne pas sombrer dans la mélancolie.

Anne Fontaine excelle à plusieurs égards. Force est de constater que son traitement est brutale, mais dans cette brutalité nous trouvons une intense émotion qui ne verse pas dans l’oeuvre larmoyante. La délicatesse dont fait preuve Anne Fontaine est remarquable et digne d’éloges. Un travail qui rappelle Ida de Pawel Pawlikowski. Très propre, radical et sans fioritures. Les plans défilent sur ces nonnes hagardes, voire à la dérive, tout comme Mathilde, nous dévoilant une délicate palette d’émotions. Un calvaire qui nous livre un message fort et profondément humain.

Dévastées et solidaires - Image droits réervés - © Mars Distribution
Dévastées et solidaires – Image droits réervés – © Mars Distribution

Pour camper Mathilde, cette femme au courage exemplaire, Lou De Laâge réussit une performance de grande classe. Déjà fascinante dans Respire de Mélanie Laurent et excellente dans L’Attesa de Piero Messina, De Laâge fait preuve d’une maîtrise affolante et porte le film avec élégance. Nous y découvrons des actrices polonaises stupéfiantes – Agata Buzek, Agata Kulesza, Joanna Kulig -, et un Vincent Macaigne toujours aussi juste dans sa prestation. Macaigne, l’interprète de Samuel le chef de Mathilde, apporte cette touche légère qui fait tant de bien à un film aussi lourd et douloureux.

Malgré les quelques errances et longueurs vers la fin du métrage, Les Innocentes nous touche en plein coeur. Un récit qui mélange la spiritualité et la race humaine avec autant de subtilité, ne peut laisser de marbre. L’immersion est bouleversante, dépeignant toute la solitude qui accompagne ces femmes devant un tel enfer.

Les Innocentes | Bande annonce

Fiche technique :

Réalisé par : Anne Fontaine
Date de sortie : 24 février 2016
Durée : 1h55min
Genre : Drame, Histoire
Pays : France, Pologne
Scénario : Sabrina B. Karine, Alice Vial, Philippe Maynal
Photographie : Caroline Champetier
Musique : Grégoire Hetzel
Distributeur Suisse : Agora Films

Casting :

Lou De Laâge
Vincent Macaigne
Agata Buzek
Agata Kulesza
Joanna Kulig
Eliza Rycembel
Anna Prochniak
Katarzyna Dabrowska

REVIEW OVERVIEW
Note
SHARE
Previous articleBerlin 2016 | Fuocoammare
Next articleBerlin 2016 | L’avenir (Things to Come)
Journaliste culturel. Ex Italic Magazine et ravagé de l'écran.