EXPO | « INVERSO » à la Galerie C : un sentiment commun de radicalité

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Image droits réservés © Galerie C

Christian Gonzenbach, Éric Poitevin et Uwe Wittwer, trois artistes qui partagent ce sentiment commun de radicalité: l’un attaché à la sculpture, l’autre à la photographie et le dernier à l’aquarelle. Ils sont réunis jusqu’au 4 novembre au sein de l’exposition INVERSO à la Galerie C, à Neuchâtel. Inverse, opposé, contraire, renversé. Il s’agit avant de tout de mettre des mots sur des images, rien de plus difficile lorsque ces mêmes images n’ont pas besoin de mots pour faire sens. Bien que nourrissant un univers singulier et propre à chacun, les trois artistes qui emplissent les espaces de ce white cube lumineux qu’est la Galerie C, entament un dialogue avec la frontalité d’un propos renversé.

Tant le travail de Christian Gonzenbach est riche et s’inscrit dans une pluralité des formes, que je ne m’arrêterai uniquement sur sa dernière série, Hanabi. Hanabi, « fleur de feu » ou encore « feu d’artifice » en japonais, est une série de vases – généralement des copies d’anciennes pièces qui nous viennent d’Orient, d’Asie ou d’ailleurs – dont le contenu jaillit, comme figé dans son mouvement. De contenant, voilà que l’objet est contenu. Nous sommes au coeur du travail de cet artiste genevois qui s’attèle à détourner l’objet de son état primaire avec une utilisation foisonnante de matériaux: une fois mêlées à la fonte d’aluminium, les billes de polystyrène amorcent leur expansion et font céder le vase.

Nous rencontrons également l’impressionnante rigueur du photographe français Éric Poitevin, dont l’ensemble de l’oeuvre photographique est réalisée en chambre noire. Qu’il s’agisse de la chair remodelée ou des oiseaux qui tentent dans un vertige mortel d’accéder à une liberté désormais disparue, de l’animé à l’inanimé, les photographies d’Éric Poitevin subliment ce qui est généralement pris au sérieux. Les images surgissent et aucune information ne détourne leur perception, nous voilà soumis à une intimité dépouillée.

Image droits réservés © Galerie C

Avant de s’intéresser aux images du zurichois Uwe Wittwer, il est fondamental de saisir l’importante collecte d’images qu’effectue l’artiste. Qu’il s’agisse de vieilles photographies, de peintures de maîtres ou d’images issues d’Internet, la collection est un élément essentiel de la pratique de l’artiste. Le processus de création débute par l’appropriation de ces images, qui subissent diverses modifications, perdant ainsi de leur reconnaissabilité, tout en conservant en filigrane leur essence. Cette démarche permet à l’artiste de prendre de la distance par rapport à l’image première tout en conservant un contact. L’objectif n’est pas de d’obturer ou de dissimuler, mais d’affiner une sensibilité visuelle, de soulever une évocation de la mémoire par la réduction de l’imagerie. Le travail d’Uwe Wittwer est doté d’une habileté singulière à faire appel à la mémoire individuelle. Ce qui s’avère primordial, bien que le sujet ait son importance, est avant tout la façon dont l’image agit sur le regardeur: aucune volonté de reproduction d’une réalité visible n’est poursuivie, mais le travail de l’artiste s’attèle à soulever et à faire émerger une perception mémorielle.

Image droits réservés © Galerie C

Né en 1975 à Genève, Christian Gonzenbach vit et travaille à Genève. Après des études de biologie, il poursuit une formation à la Haute école d’art et de design de Genève (HEAD). Né en 1961 à Longuyon (France), Éric Poitevin vit et travaille à Mangienne (France). Il a fait ses études à l’École des Beaux-Arts de Metz, dont il est sorti diplômé en 1985. Pensionnaire à la Billa Médicis en 1989, Éric Poitevin a reçu le Grand Prix national des arts plastiques en 1990. Né en 1954 à Zürich, Uwe Wittwer vit et travaille à Zürich. Autodidacte, il termine en 1977 une formation en travail social à la Haute école spécialisée de Berne. Parallèlement à ses études, il pratique une activité artistique continue et est rapidement remarqué pour la qualité de son travail.

Morgane Paillard