À l’occasion de la nouvelle création de Canal +, Baron Noir qui débutera le 8 février, nous sommes allés à la rencontre de Michel Voïta. Nous avons découvert un homme humble, attachant et passionné qui, malgré son parcours couronné de succès, apprécie tout particulièrement retourner dans de petites salles de théâtre pour exercer sa passion : la comédie.
Propos recueillis par Sven Papaux.
Avant d’entamer les questions sur Baron Noir, je souhaitais parler et évoquer votre arrivée dans le milieu de la comédie à Paris. Une chose qui n’est pas aisée pour un comédien suisse.
MV – C’est les hasards d’une vie. On fait un casting, on en fait un autre et après on fait un film et on se fait voir. On croit toujours qu’il y a un nombre presque infini d’acteurs, mais ce n’est pas vrai. On est pas des milliers à travailler. Pour être sincère, c’est presque naturellement que cela est arrivé. Pour R.I.S Police scientifique, la production voulait changer le commandant et relancer la série. J’ai passé une audition, une deuxième, une troisième, et j’ai été pris. J’étais très content de faire cela pendant 3 ans, mais avant ça, j’ai refusé les rôles récurrents qu’on me proposait pour différentes raisons. Au final, je me suis bien amusé !
Vous me devancez, j’allais vous interroger sur ce refus d’endosser un rôle récurrent. vous détestez l’idée d’être cantonné au même rôle ?
MV – Non, c’est pas que je détestais, je refusais tout simplement. C’était mon agent qui me disait qu’endosser un rôle récurrent m’aliénerait des rôles pour le cinéma, ce qui est vrai d’ailleurs. J’avais d’autres choses à faire pour le théâtre que je trouvais importantes. J’ai donc voulu arrêter avec ces aprioris et l’aventure R.I.S Police scientifique s’est présentée à moi.
Vous préconisez plutôt le cinéma à la télévision ?
MV – La seule chose qui m’intéresse bizarrement, ce n’est pas de gagner mais plutôt de durer. C’est de pouvoir continuer. Bon, dans une carrière, il y a des hauts et des bas, des moments où ça rigole financièrement, pour le reste pas trop. Il y a aussi ces moments où on tire un peu le diable par la queue financièrement, mais ce qu’on fait à ce moment-là est tout à fait passionnant. Quand R.I.S Police scientifique s’est arrêté de manière brutale, je me suis retrouvé en plein vide avec rien, aucun projet, parce qu’encore 15 jours avant j’avais un film éventuel où on comptait impérativement sur moi. Donc je me suis retrouvé en plein vide, et à partir de ce moment-là, j’ai monté un petit projet « Proust », sur le premier chapitre de Proust. J’ai donc fait une première série au théâtre, et là, je vais commencer une seconde série en octobre, novembre et décembre. Je vais tourner en Suisse, à Paris, à Bruxelles et voilà. Ce petit projet a pris forme dans ma cuisine, je vais vivre 7 mois de scène.
« La seule chose qui m’intéresse bizarrement, c’est pas de gagner mais plutôt de durer. »
Il ne vous faut pas grand chose ?
MV – Oui, c’est ça. Juste rebondir, partir, avoir des aventures, rencontrer des gens, voir d’autres choses. Si on prend R.I.S police scientifique, c’est très vu et médiatique. C’est quand même 6,5 millions de personnes par épisode. C’est considérable. Après, on se retrouve dans de petites salles, et tout cela ne me dérange pas, au contraire, j’aime beaucoup ça.
Passer de la grosse production au petit théâtre local, c’est un sacré changement de décor ?
MV – Cela ne me pose aucun problème. J’adore !
Vous touchez aux trois branches de la comédie qui sont : le cinéma, la télévision et le théâtre. Conseilleriez-vous à un jeune acteur de garder ces trois aspects de la comédie ou plutôt de rester focalisé sur une activité ?
MV – De mon point de vue, il faut tout faire. Maintenant, parfois, j’ai des gens qui me demandent des conseils. C’est très difficile de donner des conseils pour un métier où il y a 95% de chômage. Donc souvent, on fait comme on peut. Notre seul choix est de pouvoir dire non. C’est tout. Je pense qu’il faut être opportuniste, je trouve que le jeu d’acteur est une pratique qui a un côté très populaire. La pratique du jeu est quelque chose d’un peu canaille, d’un peu populaire. Je suis très sensible à ça, il faut exercer un peu partout dans les compartiments et les thèmes de la comédie. En France, le divertissement semble plus facile à faire. Pour un Anglo-saxon, faire rire et bien plus difficile que de faire pleurer. Je pense que nous sommes influencés par la France et cette influence rend le divertissement quelque peu méprisable.
Vous entendez quoi par méprisable ?
MV – Pour qu’un comique soit reconnu, il faut qu’il soit mort. Galabru en est l’exemple. Il était considéré par des cinéastes très sérieux, Truffaut ou Godard, comme quelqu’un qui fait partie d’un être inférieur par rapport au grand cinéma. Galabru était tout simplement quelqu’un de populaire, qui a fait des choses extraordinaires. Pour ma part, je pense qu’il faut cesser de considérer que notre travail est forcément mieux que ce que font les autres. Il faut le faire le mieux possible, tout simplement. J’ai un respect infini pour les gens qui font rire, pour les gens qui distraient, et pour les gens qui nous questionnent à un très haut-niveau. Tout ça ensemble !
« Pour qu’un comique soit reconnu, il faut qu’il soit mort. Galabru en est l’exemple. »
À propos de Baron Noir, vous interprétez Jean-Marc Auzanet. Pouvez-vous nous éclairer sur le personnage que vous allez camper ?
MV – Jean-Marc Auzanet est le président de la République française en exercice. Il va se faire déboulonner par le personnage de Niels Arestrup, et Auzanet va tout faire pour retrouver le pouvoir. Là, dans les deux premiers, Auzanet n’est pas très présent, juste pour le débat d’entre-deux-tours, mais qui est juste esquissé. Mais plus tard, il va exercer tout son pouvoir de nuisance et…je ne vais pas tout vous raconter. Mon personnage prendra de l’ampleur dans les épisodes 3,4 et 5.
Pour Baron Noir, on parle « d’une soif de revanche sociale » et un « fascinant chaos organisé ». Ce sont des qualificatifs assez forts ?
MV – Oui, exactement. En fait, tous les coups sont permis et toutes les trahisons sont permises. C’est l’enjeu du pouvoir qui veut ça.
On peut voir cette série comme un « House of Cards à la française » ?
MV – C’est ça. C’est vraiment bien fait. Nous ne sommes pas seulement dans les cercles du pouvoir. Nous voyons comment l’histoire prend son envol, comment elle s’inscrit, comment cela se passe sur le terrain et dans les coulisses. Je suis sûr que c’est bien. Ziad Doueiri est un très bon réalisateur, c’est magnifique ce qu’il a fait. Sincèrement, je suis très confiant du potentiel de cette série.
« Sincèrement, je suis très confiant du potentiel de cette série. »
Le tournage s’est passé sans encombres ?
MV – Sans encombres. C’était difficile parce qu’il y avait beaucoup de texte. L’aventure s’est bien passée et c’est une grosse aventure. J’étais très heureux de participer à ce projet et j’espère que la série va marcher. S’il y a une saison 2, mon personnage sera encore là, et c’est très drôle d’endosser le rôle du président de la République.
Comment s’est déroulé le travail avec Kad Merad et Niels Arestrup ?
MV – Entre acteurs, on se renifle. Indépendamment du fait d’éprouver de la sympathie les uns pour les autres, on est des animaux très sensibles et on sait tout de suite si on va pouvoir travailler ensemble. C’est-à-dire que ma production de jeu va pouvoir s’inscrire avec sa production de jeu ou est-ce qu’il va falloir composer. Que ce soit avec Niels Arestrup ou Anna Mouglalis, ça s’est passé simplement et facilement. C’est comme des joueurs de foot qui se trouvent facilement sur un terrain. C’est une question d’instinct. Par contre, avec Kad Merad, je n’ai pas eu beaucoup de scènes avec.
Le jeu d’acteur est instinctif ?
MV – Oui, on peut le voir comme ça. Parfois, on se retrouve avec des partenaires où l’instinct de l’autre ne correspond pas avec le nôtre. Il faut donc composer et faire avec et, des fois, ça donne quelque chose de très bien. Mais là, avec Baron Noir, j’ai eu la sensation que c’était simple.
Avez-vous des projets au cinéma prochainement ?
MV – Je vais tourner un film suisse bientôt.
On peut connaître le nom du film ?
MV – Alors, ça s’appelle Tiens ta droite de Robin Erard. Nous allons tourner au Luxembourg et à La Chaux-de-Fonds. Ensuite, je vais reprendre le Proust au Théâtre Kléber-Méleau, au Théâtre des martyrs à Bruxelles et au Théâtre de la Huchette à Paris. J’en ai jusqu’à l’automne.