Venise 2014 : Loin des Hommes

Favorisé par le charisme indéniable de Viggo Mortensen, le film de David Oelhoffen nous plonge dans l'enfer saharien de l'indépendance.

0
2724
Venise 2014 - Loin des Hommes

Algérie 1954. Une école dans le plus grand désert du monde destinée aux enfants indigènes. Dans le dixième plus grand pays du monde avec une superficie de 2’381’741 km2, Loin des Hommes éprouve une véritable traversée du désert avant de montrer ses vraies couleurs.

Daru (Viggo Mortensen) est instituteur dans une école qu’il gère. Il mène une vie en autarcie et prend du plaisir à instruire les enfants en français et à leur apprendre à lire. Un jour, un de ses amis dans la police lie confie Mohamed (Reda Kateb, Le Prophète, Zero Dark Thirty), un paysan accusé d’avoir tué son cousin et qui doit être jugé dans une ville voisine. La personnalité de Daru et ses convictions entreront rapidement en conflit avec l’état du pays, mais aussi les coutumes et lois des indigènes.

Il faut être clair que ce film est centré autour du personnage de Mortensen, car il incarne dans le film la complexité da la situation autour de l’indépendance de l’Algérie en 1962. Né en Algérie, parlant au moins trois langues (français, arabe, espagnol), éduqué avec un passé militaire, honnête, le film ouvre avec son visage. Il se révèle vite être une personne à l’attitude conciliatrice, idéaliste, voire carrément naïve. Lorsqu’un Français lui dit que si ils se font prendre par les insurgés, ils seront « tous dans le même sac », Daru lui répond « Je ne crois pas », alors que lui même, de par sa vie et son expérience, ne semble pas convaincu de cela.

Le film en soi se divise en deux parties pour moi. La première est très ennuyeuse, longue. La seconde partie sauve la première et l’amène vers d’autres niveaux, mais c’est en grande partie grace à mise en place faite durant la première partie qui a duré.

Durant la première, on voit du sable. Beaucoup de sable et l’impression de retourner chaque grain, pierre, caillou et rocher avec les plans sur l’Atlas et la météo extreme du désert. Par dessus tout, le développement personnel est arbitraire et certaines choses sont juste pas plausibles (comme une voix du fond d’une grotte qui porte par dessus les tirs d’artillerie…).

C’est durant la seconde que le film prend vie. Il a quand même fallu attendre la moitié du film et un moment Deus Ex Machina pour donner enfin de l’intérêt. Les motivations de chacun ainsi sont expliquées, que ce soit Mohamed et ses raisons de vouloir aller vers sa mort ou le personnage tourmenté de Daru.

On découvre ainsi un personnage horrifié à l’idée de prendre une vie, dans la situation de l’Algérie dans laquelle il vit. Les questions se posent de pourquoi il s’obstine à rester dans un pays où le premier besoin de l’être humain, celui de survivre, n’est pas garanti. Il en est conscient, mais ses raisons sont développées solidement le long du film. Mais c’est bien le drame qu’ont vécu près d’un million de pieds-noirs qui ont émigré depuis l’Algérie, laissant sur le continent africain leur identité dans l’imbroglio entre ethnie, religion et nationalité.

Mohamed est quant à lui dans une situation horrible, car lui cherche à briser le cycle de violence découlant d’une tradition dans son village. Le symbolisme de cette quête paraissant futile est représenté par une maison sans toit où nos deux protagonistes cherchent à se protéger de la pluie.

Le film arrive manifestement à passer un cap avec l’apparition des vrais antagonistes; l’armée française. Eux placent le tout en perspective et pousse les personnages à se recentrer sur les deux instincts humains; survivre et procréer. Les deux sont amplement adressés et, en combinaison avec une bande son captivante et subtilement appropriée dans l’utilisation des instrument, offre un spectacle captivant qui montre l’esprit des hommes quand il n’y a rien d’autre. Pas d’idéologie, pas d’autres hommes.

Ce n’est pas le meilleur film, étant donné que la première heure reste impardonnablement inintéressante, mais je ne serai pas étonné si il se glissait dans le sprint final pour le Lion d’Or. Une corde particulière résonne en nous. Et si l’histoire est tirée d’une œuvre de Camus, c’est bien à son rival Sartre que j’ai pensé en voyant Loin des Hommes. L’Enfer, c’est vraiment les autres.

Noté : 3.5 / 5

Bande-Annonce

Casting

Viggo Mortensen
Reda Kateb

Détails

Date de sortie en Suisse: Inconnue
Réalisateur: David Oelhoffen
Pays de production: France
Durée du film: 110 minutes
Genre: Drame

(Images droits réservés)

SHARE
Previous articleNox Orae 2014
Next articleVenise 2014 : Première semaine
J’ai obtenu en septembre 2013 mon Master de HEC Lausanne et je m'occupe ainsi de la majorité de l'aspect commercial et partenariats du webzine. C’est avec enthousiasme que j’ai rejoint David, Hervé et Sven en mai 2014 pour créer Le Billet, et je me réjouis d'y contribuer dans la durée!