Interview: Rencontre avec Fakear

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©Régis Matthey | Amalgame 2014

L’envoûtant Fakear compose des sons électroniques en y ajoutant samples sauvages et voix d’ailleurs. L’Orient est à l’honneur dans les compositions, mais pas que. Allusions hip-hopesques, musiques du monde, le jeune génie des MPC, originaire de Caen jongle avec les influences pour composer une musique qui s’éloigne au maximum de notre petit « chez nous » occidental. Avec lui on plane, on gravit des monts, on pèlerine… Ce qui est sûr c’est que l’on n’est jamais près de chez nous quand on porte un casque à fond en écoutant un de ces EP (Morning in Japan ou Dark Lands) ou son premier LP Sauvages.

On a eu la chance de rencontrer Fakear à Yverdon et on a pu échanger quelques mots avec lui.

Amalgame: Nous sommes contents de te rencontrer. Cette année était pleine de dates, essentiellement en France, comment as-tu géré ça ? Est-ce que tu penses faire plus de dates européennes ou à l’international ?

Fakear: Carrément ! En fait, je suis arrivé par un réseau de salles et de programmateurs très français. Donc tu te retrouves vite dans une sorte de boucle où tout le monde se connaît. C’est pour cela que mes dates cette année étaient principalement en France. Là, l’objectif c’est d’arrêter de tourner en France et de commencer à développer un peu l’international. Je vais à Berlin en janvier, et l’été prochain je reviens en Suisse, mais je ne peux pas encore dire dans quel festival, c’est secret défense !

 

Amalgame: Tu es même arrivé à dire que tu t’étais un peu « perdu » pendant un certain temps. Trop de choses te sont arrivées en trop peu de temps ?

Fakear: C’est monté très vite, et très fort. Fakear n’existait pas il y a un an et demi, deux ans maximum. Ça a explosé d’un seul coup via plein de festoches et plein de petits concerts à droite à gauche, ou à la radio, puis les gros festivals de l’été et j’ai eu une sorte d’overdose de tout ça. Je me suis « Perdu »: le Live et les concerts m’ont un peu déformé. Les morceaux que je faisais à ce moment-là n’étaient plus un équilibre entre ce que les gens peuvent attendre de moi et ce que moi je veux aimer dans mes morceaux. C’était réfléchi selon l’envie des gens, et donc il y avait une sorte de déséquilibre. J’ai donc arrêté de tourner pendant deux semaines et je suis parti au Japon. En revenant, j’ai été capable de jeter 4 ou 5 morceaux que j’avais produits pendant l’été parce qu’ils ne me représentaient plus.

 

Amalgame: Dans une autre interview l’année dernière, tu citais le fait de jouer en première partie de Bonobo comme un but ultime. C’est maintenant chose faite, puisque le mois dernier (18.11) tu as comblé ton rêve aux Folies Bergère à Paris dans un concert organisé par la Rafinerie. Peux-tu raconter un peu tes sentiments par rapport à ça ?

Fakear: C’était un énorme honneur pour moi de jouer avant Bonobo, surtout en sachant que c’est lui qui choisit ses premières parties. Après le concert, on a fini dans un bar à boire des coups et trinquer et je n’en revenais pas, je me disais :

« Qu’est-ce qui m’arrive, je suis en train de trinquer avec Bonobo,… c’est chelou ! » C’était hypra cool, je peux mourir maintenant.

Amalgame: Au début, tes compos étaient très influencées Hip-hop, puis tu es parti sur tous ces sons exotiques et orientaux. Peux-tu nous expliquer ce changement ? Vas-tu repartir sur d’autres influences ?

Fakear: Oui, je vais sûrement faire évoluer tout ça. Le Hip-hop de mes créations du début, c’est parce que le concept de faire du hip-hop et tout ce qui lui est lié (MPC’s, etc.) me plaisait. C’était un peu trop réfléchi et ce n’était pas très moi. Les trucs orientaux ça me ressemblait un peu plus. Je me suis un peu perdu dans le style Live, comme je disais plus tôt. Et là, je vais vers quelque chose de plus métissée, mais en faisant ce qui me ressemble vraiment. C’est un peu plus dansant qu’avant. Pour donner en exemple un morceau : Like A Friend dans Darkland.

 

David | Le Billet: Toi qui viens du Rock, ça ne te manque pas de ne plus être en formation de groupe de Rock ?

Fakear: Au début non, car j’avais plein de trucs à dire tout seul et j’avais peur de faire rentrer des gens dans mon univers encore trop intimiste et fragile. Et maintenant, comme ce soir, je me produis avec un mec aux claviers, une nana qui chante, et je veux aller vers une config de live encore plus évoluée. Peut-être avec un batteur, un bassiste, ou quelque chose dans le genre, pour retrouver cet aspect live. Mon but c’est de faire de la musique que tu pourrais entendre en boite, mais à 6 ou 7 sur scène.

 

Amalgame: Ton show est très visuel et ta scénographie très impressionnante, comment en es-tu arrivé là ?

Fakear: Au début de l’année, on a construit cette scénographie en alu à partir du logo qui est sur mes pochettes d’EP, les trois triangles. On le trimballe partout avec nous et ça permet d’habiller le spectacle, parce que venir voir un mec qui tape sur des carrés ça peut ne pas être méga beau à voir. Ensuite, j’ai choisi cette scéno parce que je n’ai pas envie de mettre de la vidéo dans mon live, comme peut le faire Wax Tailor par exemple (que je kiffe beaucoup !). Je trouve que la vidéo c’est hyper vu dans le domaine de la musique électronique, et en plus ça dévie l’attention du spectateur sur le truc qui passe alors que le mec fait une performance devant. 

 

David | Le Billet: En parlant du logo, que signifie-t-il à la base ?

Fakear: Pas grand-chose. Comme le nom FAKEAR, d’ailleurs. Ça signifie tout et rien, tu peux y voir plein de choses. Tu peux voir une fleur de lotus, des montagnes, parce que je trouve ça beau. Je crois que je me suis réveillé un matin avec ce motif en tête. Et voilà.

 

Amalgame: Tu te produis avec une chanteuse ce soir, t’as prévu d’autres collaborations dans l’avenir ?

Fakear: On va arrêter de tourner ensemble avec la chanteuse, car c’était un featuring, et qu’elle a son projet de son côté. Mais oui, je vais chercher d’autres collaborations. Actuellement, je suis en train de réfléchir et de rencontrer des gens pour faire ça, mais je ne sais pas encore vraiment vers quoi m’orienter. Voix féminine, ou rappeur, ou voix masculine, il n’y a pas encore grand-chose de décidé pour l’instant.

 

David | Le Billet: Quels sont tes cinq disques préférés de tous les temps ?

Fakear: Deux assez récents : Black Sands de Bononbo et Jungle de Jungle. Ensuite, il y a sûrement du Pink Floyd qui se balade par là… J’hésite entre Meddle et Atom Heart Mother,… Mais mettons Meddle. Après, le truc kitch dans lequel tu vas trouver plein d’influences de Fakear c’est Deep Forest de Deep Forest. C’est les débuts de la world music, début années 90. Et pour le cinquième, Appetite For Destruction des Guns N’ Roses, parce que je l’ai saigné cet album.

 

Amalgame: Question spéciale pour les vingt ans de l’Amalgame : Où est-ce que tu sortais quand tu avais 20 ans ?

Fakear: À 20 ans, j’étais à Caen, du coup j’allais danser dans un bar, qui s’appelle l’écume des nuits. C’est un peu le seul bar ouvert jusqu’à 03h, c’est le bar où tout le monde échoue… J’étais sûrement là-bas.

 

David | Le Billet: Vu qu’on parle de nostalgie, balance-nous un peu le nom de ton groupe de quand t’étais jeune. Histoire qu’on puisse retrouver des vieux enregistrements de Fakear.

Fakear: C’est chaud. Il y a plusieurs étapes. Aoutch! Il y a eu Sponk Machine en seconde, où tu peux m’entendre jouer de la guitare. Il y a des vidéos qui trainent sur YouTube. C’est la honte de ouf, j’avais les cheveux longs, pas de barbe. Et Superpoze, vous voyez qui c’est ? C’est lui le batteur de ce groupe. Comme ça, je ne suis pas le seul à mourir de honte. Le deuxième, c’était assez cool. Un peu style Folk à la Ben Harper, mais plus frenchie. Ça s’appelait Sista, mais je ne sais pas s’il reste des trucs sur le net.

 

David | Le Billet: J’ai vu il y a trois jours que tu as sorti une track sur la dernière compil de La Fine Équipe, La Boulangerie Vol. 3. Tu peux nous parler un peu de cette collaboration ?

Fakear: C’est hyper symbolique pour moi cette collaboration. La Boulangerie Vol.1 est sortie en 2007 ou 2008, je ne sais plus exactement. Et j’écoutais pas mal ça avec Gabriel (Superpoze), et vu qu’on passait des sons sur la radio étudiante de Caen, on passait pas mal de tracks de La Fine Équipe. Et en fait, je les ai rencontrés à un after de concert avec Wax Tailor, et ils sont venus me féliciter du live que j’avais donné. C’est à partir de là que j’ai signé dans leur label, celui chez qui j’ai sorti Morning Japan, Darklands et Sauvages. Du coup après ils ont commencé à prévoir les tracks pour La Boulangerie, ils ont appelé Superpoze et moi j’ai fait une track avec eux. C’est la famille quoi.

 

Tous: Merci beaucoup Fakear, bon show. Et à bientôt en Suisse.

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Fondateur, programmateur à Décal'Quai (www.lebillet.ch), music enthusiast