Place à la jeunesse ! | Columbine à l’Usine à Gaz

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Image droits réservés © Melchior Tersen

Leur nom de groupe intrigue et rappelle l’aspect tragique et glaçant de la tuerie du lycée américain. Pourtant, le collectif rennais se réfère plus à leur admiration pour le film Elephant de Gus Van Sant qu’au massacre étudiant. Passionnés de cinéma, les huit membres de Columbine truffent leurs chansons de références cinématographiques diluées dans des textes léchés et poétiques, tantôt absurdes, tantôt hyperréalistes.

Après un premier album alternant le bon et le moins bon, sorti au début de l’année 2016 mais composé de morceaux de leur époque adolescente, ils sont revenus cette année avec un nouvel album intitulé Enfants terribles. La recette a changé et l’artisanat du premier album a fait place à un savoir-faire plus maîtrisé. A côté de productions éléctro rythmées, des sonorités jazz et rock accompagnent des paroles plus matures – parfois gâchées par une utilisation trop systématique de l’autotune – reflétant leur évolution et leurs préoccupations post-adolescentes.

De passage en Suisse, Columbine s’est arrêté à l’Usine à Gaz de Nyon pour un concert brûlant devant un public pubertaire surexcité. En effet, en entrant dans la salle, la moyenne d’âge très jeune frappe d’entrée et je me retrouve, à seulement 26 ans, dans la position quelque peu inconfortable d’adulte débarquant par hasard dans une fête de jeunes. Sans renier mes goûts musicaux qui m’ont poussé à écouter ce groupe, je reste dans la salle en me posant tout de même des questions.

Après une première partie un peu fade d’un rappeur local dont je ne connais même plus le nom, les lumières se rallument. Le public compact attend patiemment l’arrivée du groupe et l’apparition d’un technicien suffit à provoquer des cris déchaînés. Finalement, deux silhouettes apparaissent dans l’obscurité et l’introduction musicale de Rémi, morceau de leur nouvel album, retentit. Bien que le collectif soit composé de huit membres, seuls deux d’entre eux ont œuvré au dernier album. Foda C, habillé d’une étonnante association chemise de bûcheron-salopette, et Lujipeka, cheveux longs assemblés en un chignon, sautent sur scène en chantant leur refrain : « Qu’est-ce qu’on s’emmerde », repris en cœur par un public déjà transpirant.

Même s’ils se définissent comme « les rappeurs les plus chauds de Bretagne », cette expression souligne le second degré des rappeurs de Columbine qui, loin de cultiver un côté gangster, apparaissent comme d’aimables provinciaux venus faire la fête à Nyon. Le logo du groupe, une fusion d’une kalachnikov et d’une colombe, scintille de plusieurs couleurs. Bientôt rejoint sur scène par deux autres membres du groupe, Chaman et Sully, le duo devenu quatuor danse et rappe avec une débauche d’énergie incroyable qui donne presque le tournis. Situé au fond de la salle, je vois défiler devant moi des jeunes suffoquant et tentant de s’extirper de la masse dans un état presque second. Le jeune public crie leurs paroles, couvrant hélas la voix des rappeurs dans un vacarme insupportable.

N’en pouvant plus et me sentant progressivement étranger à ce rassemblement, je quitte la salle après trois quarts d’heure de concert, jugeant que j’en avais déjà assez vu. Sur le chemin du retour, je m’interroge sur cet engouement frénétique et j’arrive à la conclusion que Columbine a bel et bien réussi à traduire l’ennui d’une jeunesse blasée et désabusée par des heures passées dans leur chambre devant leur ordinateur.

Matthieu de Dardel