Festival Antigel | Une déclaration d’amour faite à Tommy Genesis

Une chanteuse en communion avec son public

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Image droits réservés - Amdophoto/Festival Antigel

Les Préliminaires

Il y a quelques semaines encore, le nom de Tommy Genesis m’était inconnu. Ray, mon compère de la section musique du Billet, est venu réparer cette malheureuse méconnaissance en me parlant de l’artiste. Curieuse, je visionne la vidéo d’ Execute, qui est probablement le cœur de son premier album World Vision. Je tombe amoureuse de ce morceau. La chanteuse me rappelle Angel Haze, Azealia Banks ou Princess Nokia. Je prends donc rendez-vous avec Tommy Genesis le 10 février pour la soirée Hip Hop is Fresh aux côtés du rappeur américain A$AP Ant et des DJ suisses Green Chiant, Les Chicklettes et Ngoc Lan. Cependant, quelques changements interviennent dans l’agenda, et pour des raisons qui nous ne seront pas communiquées, le concert de Tommy Genesis est déplacé au dimanche 5 février. La réjouissance.

Le Coup de foudre

Dimanche soir donc, je m’embarque pour ce voyage musical plus que prometteur. Un train et un bus plus tard, je débarque à l’arrêt P+R Etoile où un nombre conséquent de personnes descendent. Je n’ai qu’à suivre la foule. En bonne groupie, je me mets au premier rang ; je ne veux rien louper du concert. Ce dernier commencera vers 21h10 dans une petite salle qui se remplit gentiment. Tommy Genesis arrive avec le style vestimentaire qu’on lui connaît : T-shirt coupé sous la poitrine représentant une femme avec un bâillon-boule dans la bouche, collants troués et jupe noir. BDSM, donc.

La messe musicale commence par la chanson Sheperd tiré de son premier album. La rappeuse, très à l’aise, occupe toute la scène. Après cette première mise en bouche, elle nous remercie d’être venus un dimanche. Cette prêtresse du rap continue la messe avec Angelina :  « Let me put my hands on your knees/ I’m Angelina Jolie/ Hands on your knees/ Angelina Jolie/ Lemme put my hands on your knees/ You can braid my hair/ Do a fat criss cross in the back somewhere. » Sexuelle, alors.

Après avoir remarqué qu’une barrière était placée entre elle et nous, elle profitera de cette chanson pour l’enjamber et faire plus ample connaissance. La chanteuse-rappeuse se mettra en face de moi pour me susurrer ses paroles, en me regardant droit dans les yeux. C’était très troublant pour moi, j’avoue que je n’en demandais tout de même pas tant. Intense mais chaste.

Puis, Tommy Genesis se fondra dans la foule pour ne faire plus qu’une avec elle. A l’aise sur scène, elle l’est aussi avec le public qui est ravi de cette proximité. Il est sous son charme, moi la première. Durant tout le concert, la rappeuse queer profitera des intermèdes pour nous raconter une anecdote personnelle ou sortir des répliques cultes comme le fameux My Pussy is a Promised Land. Cette phrase féministe restera longtemps dans les annales de ma mémoire. Son assurance et son extraversion sur scène tranchent nettement avec le mystère qui l’entoure. En effet, des informations telles que son âge, sa ville d’origine ou son prénom (Tommy étant son pseudonyme artistique) ne sont pas connues. En interview, elle évite soigneusement de répondre à ces questions. Sibylline, parfois.

© amdophoto / Festival Antigel

Nous chantons les paroles des chansons avec Tommy Genesis, preuve que les personnes présentes sont des fans avertis. Le public est également à l’image de la rappeuse: queer et racisé. Canadienne, l’artiste est d’origine indienne par son père et scandinave par sa mère. Les paroles de ses chansons abordent clairement sa sexualité, sujet qui hante tout son premier album. Son identité queer est clairement mise en avant, ses chansons évoquant autant des hommes que de femmes. Je pense notamment aux paroles de la chanson Hate Demon: Before I was yours/ I belonged to her/She taught me how to fuck/ Venus in Furs (…) Are you down for the girl?/ Do you like girls?  Saphique, toujours.

Le public est à l’image des identités multiples de la rappeuse. Je tourne la tête autour de moi durant le concert et je vois des queers, des lesbiennes, des gays, des personnes racisées, des punks, des émos et autres gangstas. Je me souviens d’une fille racisée à côté de moi qui a tenu la main à Tommy ou bien même d’un homme, avec du rouge sur les lèvres et un joli manteau en fourrure bordeau sur le dos. Queer, surtout.

Les chansons défilent. Art, tiré de son EP du même nom puis une chanson inédite, que l’on peut supposer être tirée de son second album. D’autres chansons suivront notamment le fameux Execute aux paroles enivrantes et mystiques : They gonna’ take me to court for my vision (…) They gonna’ try to restructure my wisdom (…) They gonna pray to my God but he cashed out/.

Execute, c’est le premier amour qui dure toujours.

Puis World Vision que Tommy dédiera aux Femmes. Ayant fini sa performance musicale et n’ayant pas envie de nous quitter précipitamment, elle chantera une nouvelle fois deux de ses chansons, Execute  et Sheperd. Divine, vraiment.

La Séparation

La fin marquant de ses morsures chaque chose en ce monde, le rendez-vous prend fin après 50 intenses minutes. On espère que cette rencontre enthousiasmante se renouvellera très prochainement. Des fans de la première heure, à côté de moi, proposeront de continuer le rendez-vous dans une maison avec piscine, ce que la chanteuse déclinera, non sans regret. Tommy Genesis aura malheureusement d’autres obligations, musicales. Mais elle promet que ce sera pour la prochaine fois. Puis, la fin.

Les Retrouvailles

C’est son premier concert en Suisse, d’où est originaire sa grand-mère. Si d’autres concerts en Suisse n’ont pas encore été annoncés pour le moment, on peut espérer la revoir bientôt. En effet, son second album World Vision II devrait prochainement voir le jour. Il nous reste plus qu’à écouter en boucle ses deux EP et son premier album. Et surtout Execute. Amoureuse, oui.

Janett Donis