Si Aferim, le précédent film du réalisateur roumain Radu Jude, n’avait pas laissé un souvenir impérissable à Sven, je me retrouve pour ma part davantage ému par la production d’Inimi Cicatrizate, « cœurs cicatrisés » en français.
En 1937, Emanuel (Lucian Rus) est admis dans un sanatorium sur la côte de la Mer Noire en Roumanie. Atteint d’une tuberculose osseuse, le jeune homme de 21 ans, brillant, est épris d’une ancienne résidente, Solange (Ivana Mladenovic), qui reste toujours en contact et rend souvent visite aux patients du sanatorium. Dans un contexte géopolitique tendu en Europe, ce sanatorium est un environnement où les personnes sont conscientes que leur mort arrivera bientôt, et tentent tant bien que mal de vivre pleinement les heures qui leur sont comptées.
Une adaptation de la vie de Max Blecher faisant preuve d’une grande licence artistique, Inimi Cicatrizate est un film touchant, émouvant, mais surtout réussi.
Esthétiquement abouti, l’étalonnage des couleurs, l’aspect et le format de l’image donnant une authentique ambiance retro, le travail de Radu Jude fascine principalement par le microcosme qui est créé au sein de ce centre de convalescence. L’humour de cet endroit, délirant, kafkaïen et contagieux, contraste avec la morosité et le malaise prévalant en Europe dans ces sombres années. Alors que la caméra ne quitte presque jamais le personnage d’Emanuel, le contexte macro est uniquement entendu via la radio. Cette dualité, couplé à la vulnérabilité tant physique qu’émotionnelle des personnages, crée une empathie puissante.
Inimi Cicatrizate contient aussi certains des plus beaux et brillants dialogues que j’ai pu entendre de toute ma vie. Sachant pertinemment que la mort les attend plus tôt que d’autres, nos deux amoureux se livrent à des tirades glorieuses sur la vie, le trépas, la justice, l’amour, les arts ou encore la guerre, parmi tant d’autres thèmes. Parfois, cela transcende l’univers du film. En écoutant Emanuel, on se dit que la réalisation d’un bon film pourrait être au final aussi simple que la vie que décrit notre héros. Cela ne doit pas être compliqué, c’est nous qui rendons l’affaire compliquée.
Les scènes du film sont entrecoupées d’extraits du roman de Max Blecher, aussi intitulé Inimi Cicatrizate, écrit durant les années 1930. Ayant souffert pendant plus de dix années avant de décéder à 29 ans, les textes sont particulièrement criants car placés de main de maître entre des images et scènes semblables. On y perd parfois en dynamisme, et c’est dangereux car le film est déjà long. Parfois, cela se fait clairement ressentir.
Inimi Cicatrizate est par contre difficile d’accès pour une immersion totale, car il est beaucoup trop ancré dans le contexte roumain de l’époque, avec de multiples noms de généraux, partis politiques, philosophes et poètes mentionnés durant le film, qui sont parfois centraux aux réactions des personnages.
Néanmoins, il dégage un message universel parfaitement compréhensible et transmis sans faute; la vie est précieuse, et la vie mérite d’être vécue, aussi courte qu’elle puisse être.
Noté : 4 / 5
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Bande-Annonce (clip)
Casting
Lucian Rus
Ivana Mladenovic
Ilinca Hărnuț
Șerban Pavlu
Marian Olteanu
Alexandru Dabija
Dana Voicu
Bogdan Cotleț
Adina Cristescu
Marius Damian
Sarra Tsorakidis
Larisa Crunțeanu
Fernando Klabin
Gabriel Spahiu
Alexandru Bogdan
Détails
Date de sortie en Suisse: Inconnue
Réalisateur: Radu Jude
Pays de production: Roumanie
Durée du film: 141 minutes
Genre: Drame / Comédie
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