Locarno 2016 | Jeunesse

"Les poissons ne parlent pas, tu sais."

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Jeunesse - Image droits réservés - © Alfama films

L’océan à perte de vue, une tempête dévastatrice et des marins aussi aimables qu’une porte de grange. Julien Samani plante le décor au milieu des eaux troubles et d’un silence assourdissant. Véritable déconnexion de la réalité, proche de l’intemporalité totale, Jeunesse est un récit étrange mais particulièrement captivant par son contexte.

Tiré du roman de Joseph Conrad, Jeunesse est ce genre d’histoire qui vous emmène dans un monde parallèle où la réflexion existentielle dicte le quotidien de marins devenus aigris et taiseux avec le temps. La mer use l’organisme, use le moral. C’est ce que va apprendre Zico (Kévin Azaïs), jeune homme au look de morveux qui décide d’embarquer avec un équipage composé de 4 marins : Kong (David Chour), José (samir Guesmi), Moctar (Lazare Minougou) et le Capitaine Firmin Paillet (Jean-François Stévenin).

« Les poissons ne parlent pas, tu sais »

Début d’une odyssée qui verra les éléments se déchaîner, pousser dans leurs derniers retranchements des hommes face à l’immensité de la mer. Zico apprendra que prendre la mer n’est pas chose aisée. « Vaincre ou périr », se répète-t’il. L’apprenti marin s’engouffre dans une dimension temporelle inexistante, où seul le maintien du cap compte, où les vagues s’écrasent contre la coque d’un bateau martyrisée par les années de navigation. Un géant des mers qui perd de sa superbe plus il s’enfonce dans les entrailles marines.

Hormis l’odyssée de l’équipage, le travail de Julien Samani se porte principalement sur le personnage de Zico. Au fil des péripéties qu’il vit, le rebelle deviendra un véritable capitaine. Un trait de caractère qui lui faisait défaut sur la terre ferme. L’évolution de Zico se transpose admirablement entre sa jeunesse d’avant et celle qu’il débute sur ce navire. Constamment attiré par l’argent facile et des magouilles douteuses, Zico se forge un fort caractère dans ce climat conflictuel et découvre la vie, la vraie. Ces confrontations avec José – Samir Guesmi est parfait en vieux loup de mer – sont une sorte d’affirmation de son évolution en tant qu’homme.

La mer, c'est tout - Image droits réservés - © Alfama films
La mer, c’est tout – Image droits réservés – © Alfama films

Au bord de la dérive, au bord du naufrage, tant l’équipage que le cargo sont sur le fil du rasoir. Julien Samani nous expose une fresque chaotique, à la dimension romanesque. Chaque personnage se retrouvera tiraillé et chahuté face à la rude réalité et à ses rêves. Des hommes désorientés et noyés dans une tempête, donnant l’impression de voir naviguer un bateau fantôme. Plus rien ne semble rattacher des individus calfeutrés dans leur coin.

Une force que Samani déploie avec justesse, où il synthétise solitude et colère. Jeunesse est aux frontières de la raison et du rêve, avec une part de résurrection. « J’ai été vivant, mais ce n’est jamais revenu », affirme le Capitaine. Par cette phrase, le Capitaine évoque un passé oublié, un passé qui semble lointain.

Jeunesse | Bande-annonce

Fiche technique :

Réalisé par : Julien Samani
Date de sortie : 7 septembre 2016
Durée : 1h23min
Genre : Drame
Pays : France, Portugal
Scénario : Julien Samani, Camille Fontaine, Joseph Conrad
Photographie : Simon Beaufils
Musique : Ulysse Klotz
Distributeur suisse : –

Casting :

Kévin Azaïs
Samir Guesmi
Jean-François Stévenin
Bastien Ughetto
Camille Polet
Lazare Minoungou
David Chour