Shedding Skin de Ghostpoet

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Cellule de l'épiderme de Ghostpoet - Shedding skin cover album

Obaro Eijimiwe alias Ghostpoet se démarque grâce à un hip-hop atypique aux résonnances mélancoliques et expérimentales. La sensibilité et l’identité musicale si particulière de Ghostpoet nous hantent instantanément. Pour la première fois, il est accompagné de ses musiciens live pour l’enregistrement de ce nouvel opus à l’esthétique psychédélique. C’est ainsi dans un registre rock que s’illustre notre MC londonien. Et ce n’est pas pour me déplaire.

Il commence fort avec « Off peak dreams » qui dénonce la morosité du quotidien, l’affreux métro-boulot-dodo, le stress, les fins de mois difficiles, les rêves enfouis. La chanson est introduite par des effets sonores qui me rappellent les excellentes expérimentations de Nicolas Jaar, suivi immédiatement d’un rap mélodieux sublimé par une composition instrumentale dynamisante.

Nadine Shah l’accompagne sur le titre « X marks the spot », c’est joli, c’est tranquille, et à mon goût un moment fort dans la découverte de ce disque, contrairement à « Be right back, Moving house » qui me paraît moins percutant que les deux titres précédents. Un ensemble moins émouvant, un air de déjà vu. J’ai un penchant pour son côté « dark » qu’on ne retrouve pas là. Idem pour « Sorry my love, It’s you not me » qui me fait également douter de l’intention de son auteur. Essaye-t-il de proposer des notes plus pop, plus inoffensives pour séduire davantage d’auditeurs ? Quoiqu’il soit, on peut remarquer une certaine ouverture, comme s’il assumait et osait enfin apprécier son succès. En effet, après la lecture de plusieurs interviews, l’artiste dit ne pas supporter qu’on le compare à d’autres artistes, qui sont de toute évidence une source d’inspiration pour lui, mais qui représentent surtout une pression qui l’empêcherait de faire valoir sa différence. Aujourd’hui, il semble attacher moins d’importance à ces comparaisons, pourtant flatteuses, la preuve à travers cet album aussi bien cohérent qu’innovant.

On poursuit, avec les voix de Obaro et Melanie de Biasio qui ont eu raison de flirter sur « Shedding skin ». Ces deux timbres suaves et sexy nous plongent dans un climat assez torride pour une ambiance plutôt sensuelle. Encore un duo « Yes, I helped you pack », plus rythmé, plus fou, plus stressant. Quelques riffs anxiogènes qui accompagnent les refrains. Effet « liaison dangereuse » entre notre poète fantôme et Etta Bond. « Better Not Butter » nous plonge aussi dans un état de panique hypnotisant.

« That ring down the drain king of feeling » se situe parfaitement bien dans l’ordre des chansons de l’album. Ghostpoet adopte ici un ton particulièrement nonchalant et s’est muni d’une Nadine Shah un peu torturée. Le rap blasé et plus agressif qu’il déploie ici, mélangé à des riffs de guitares électriques forment un mélange efficace et culotté, qui devrait mettre d’accord aussi bien les amateurs de rock et d’hip-hop. Dans plus ou moins le même flow, on retrouve « The pleasure in pleater ».

Le calme après la tempête, le dixième et dernier morceau de Shedding skin sonne nostalgique dès les premières notes. « Nothing in the way » est le bouclement d’une œuvre originale et surprenante.

Si vous pensiez connaître le paysage sonore du poète, détrompez-vous ! Belle surprise et ascension prometteuse.

Si le bonhomme vous intéresse, je vous recommande aussi de lire l’article de Ray qui s’est laissé séduire au festival Antigel ici !