Docu-fiction brillamment réussi qui fait voir et entendre la banlieue parisienne: belle, touchante et pleine d’espoir. Et oui, c’est possible.
Le «swagg», le dernier film d’Olivier Babinet l’a, c’est sûr. La banlieue parisienne si souvent représentée sous l’air du misérabilisme est passée. Un grand bol d’air frais balaie tous les stéréotypes portés sur ces quartiers et ces jeunes de «banlieue», dont le terme est bien trop souvent porteur de fatalité. Swagger s’immisce dans les rêves de onze jeunes et nous livre un récit nouveau, un regard simple et esthétique.
Présenté au Rencontres Internationales du Documentaire de Montréal, le docu-fiction a fait rire la salle pleine à craquer, l’a émue, l’a marquée. Parce que ce film nous présente une jeunesse universelle, qui veut se dépasser, devenir architecte, styliste, infirmière, chirurgien. Ils nous racontent leur quotidien à travers des questions simples: «c’est quoi l’amour?», «quels sont mes rêves? «mes cauchemars?»… Aissatou, Mariyama, Abou, Régis, Nazario, Astan, Salimata, Paul et Elvis composent la magnifique mosaïque d’un récit qui rend leur quotidien plus complexe, plus réel.
Ils parlent avec leurs mots, naturels et directs. Mariyama se demande ce qu’elle ferait autrement pour revivre son enfance, alors qu’elle n’est même pas terminée. Paul raconte ce qu’il a ressenti, quelque chose qui n’allait pas, «une vague en moi», le jour où il se résignait à rencontrer les guetteurs des dealers du quartier. La force intérieure c’est ce qui semble mouvoir ces adolescents qui en veulent plus. Plus que leurs parents, que leurs connaissances qui n’ont pas eu d’autres choix que la violence, la délinquance et tout ce qu’on connaît que trop mal pour pouvoir en parler justement.
Les élèves du lycée Claude Debussy d’Aulnay-sous-Bois sont devenus des protagonistes dans ce film qu’Olivier Babinet présente aussi avec beaucoup d’humour et, bien sûr, de style. Style cinématographique entre le documentaire (interviews, réalité des récits) et fiction par une mise en scène colorée et éclatante. Dans des plans aériens sur les bâtiments de banlieue, la caméra se faufile dans la chambre de l’un ou l’autre des enfants, présente son univers. Le réalisateur retourne des scènes que les enfants ont racontées. Ainsi, Régis, le plus excentrique, traverse les couloirs du lycée vêtu de son manteau en fourrure, de ses lunettes de soleil et de son nœud papillon. Mariyama se fait appeler en dernier dans le tirage des équipes de sports par les élèves. Aissatou passe comme un fantôme à côté des autres. Paul danse dans la rue, comme dans les vieux films, avec son costume-cravate quotidien et son parapluie rouge.
Style aussi des stars de ce film entre Régis qui adore la mode et Michelle Obama, qui porte des grandes marques et déteste le style «clonage» des autres élèves. Le style de Naïla, septique par rapport à Mickey et aux Barbies qui cachent quelque chose de mauvais. Ou encore Aissatou, traumatisée par des souvenirs dont elle n’arrive plus à se rappeler.
Regards et paroles pures, sans artifices, qui présentent la réalité contemporaine sans détour, qui disent qu’avant d’être Français, noirs ou arabes, on est humains.
Swagger, un film à voir au City Pully jusqu’à la fin du mois. Courez-y!
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