Quand on entend «documentaire» on pense toute suite: «enquêtes policière», «voyages exotiques», «jardins de Louis XIV». En réalité, le documentaire est un genre de tous les possibles. Trois réalisateurs le renouvellent, d’un coup de pinceau.
Les documentaires «de création» expriment avec finesse les différents points de vue d’auteurs qui posent des questions aussi universelles que personnelles. L’image est alors au premier plan et nous guide à travers une sensibilité singulière. Parfois même, l’esthétique suffit à dire ce que la parole ne peut pas.
Les Rencontres Internationales du documentaire de Montréal (RIDM) est l’un des festivals les plus important dans le domaine. Elles mettent à l’honneur des documentaires aussi engagés qu’esthétiques. Si le documentaire connaît, depuis plusieurs années, une crise assez importante, ce genre d’événements offre au public ce qui manque parfois dans les grandes salles de cinéma: des films sensibles, beaux, des films qui font réfléchir.
Le documentaire «animé» est né de cette créativité. Ce genre en pleine expansion a été l’objet de plusieurs discussions aux RIDM, qui présentaient une rétrospective de divers films d’animation racontant le réel. Les trois réalisateurs Pierre Hébert, Penny Lane et Théodore Ushev, qui ont trois styles et trois visions différentes, font partie de cette mode apparue dès le succès, en 2008, du docu-fiction animé Valse avec Bachir.
Qu’est-ce que le dessin change dans le documentaire? C’était la question auquel chacun a tenté de répondre.
«L’animation permet de révéler des choses, d’augmenter la densité du réel, vient réveiller», résume Pierre Hébert. Ce réalisateur se démarque notamment par des interventions minimales sur l’image filmée, comme dans Herqueville en 2007. Le rôle de révélation qui apparaît dans les traits du réalisateur transforme le film en un objet artistique différent. La pellicule devient un objet modifiable, une toile réelle sur laquelle l’artiste souligne les détails qui le touchent.
Chaque film est aussi singulier qu’une peinture. La diversité des traits et des techniques est impressionnante. Penny Lane qui présentait son dernier film Nuts! joue des possibilités de styles. Elle-même, qui n’est pas une animatrice, a fait appel à sept dessinateurs qui ont chacun travaillé sur un des chapitres de son film. Il en ressort sept graphismes différents, sept esthétiques, en 79 minutes.
Elle montre au spectateur que «l’histoire racontée dépend de celui qui la raconte». La réalité elle-même est donc à remettre en question, selon elle, et le dessin est un bon moyen de le faire. Racontant l’histoire farfelue d’un médecin charlatan, la réalisatrice explique que le recours à l’animation était pour elle une manière de questionner la véracité de ce qui était présenté par le film, de rendre le spectateur conscient des différents points de vue, de le pousser à chercher ce qu’il doit croire ou pas. Le dessin permet donc non seulement d’exprimer une sensibilité artistique unique mais aussi de mettre à distance l’histoire racontée.
Animateur de formation, Théodore Ushev déplore cette nouvelle mode documentaire, portée par des artistes non-dessinateurs. Le réalisateur du magnifique court-métrage animé Les journaux de Lipsett, sorti en 2010, avec la voix de Xavier Dolan, explique que la crise actuelle du documentaire a poussé de plus en plus de réalisateurs à créer un style particulier. L’animation serait ainsi, à son avis, un style plus «sexy», choisi pour plaire au public, plus qu’une intention artistique personnelle.
Les classifications des genres filmiques changent pour nous offrir des œuvres toujours plus intéressantes à écouter et à voir. Suivez le festival Les Sommets du cinéma d’animation à la Cinémathèque québécoise du 23 au 27 novembre.