Sur un bateau, un homme tente d’atteindre une terre d’exil. Il se perd dans la forêt et tombe dans le piège d’un vieillard qui vit là. The Last Of Us nous emmène dans un voyage sensoriel où la parole, absente, laisse place aux sons puissants de la nature. Plusieurs plans tournés dans la nuit quasi totale isolent le protagoniste dans un univers mystérieux et poétique. Présent au festival Black Movie à Genève en janvier, le réalisateur tunisien Ala Eddine Slim parle de son film comme du portrait d’un homme solitaire. «La solitude constitue le film mais aussi l’existence de tous, on vient et on part seul. Le reste n’est fait que de rencontres».
Voici la nôtre.
Propos recueillis par Sarah Imsand
Pourquoi avoir choisi le thème de la migration pour introduire l’action du film?
La problématique de l’immigration et de la libre circulation des hommes est un sujet qui m’a intéressé dès mon premier court-métrage. Je vis dans un quartier populaire à Tunis et je suis sensible à cette question. C’est un cliché qui était intéressant à travailler, à questionner que ce soient les clichés reçus ici ou ailleurs. Il y a trois cas de figure par rapport à l’immigration clandestine en Tunisie : il y a ceux qui réussissent à rejoindre le pays, ceux qui périssent pendant la traversée et ceux qui sont portés disparus. Le protagoniste du film représente un corps perdu. Je voulais explorer d’autres territoires de la fiction ce qui a donné une fable sur un corps disparu.
Il y a un jeu entre réalité et fiction dans le film, pourquoi ?
La première partie du film a été tournée comme un documentaire mais tout est fictionnel. Ce qui m’intéresse en cinéma, c’est de brouiller toutes les idées reçues, en particulier dans les médias en Tunisie. J’essaie d’être une sorte de parasite dans toutes ces images trop contrôlées.
Pourquoi avoir choisi de faire un film sans paroles ?
Je ne voulais pas que le film soit relié à un contexte précis ou à une région précise. J’ai choisi les terres tunisiennes uniquement comme un lieu de tournage. Je voulais que cette histoire puisse exister n’importe où. La parole n’y avait pas sa place. Il y a rarement de paroles dans mes films. Je trouve qu’il y a trop de dialogues dans le cinéma et dans la cité, les gens parlent beaucoup pour ne rien dire au final. Je préfère travailler avec le montage, l’image et le son.
Il y a souvent dans le film des moments plongés dans l’obscurité la plus complète, pourquoi avoir fait ce choix artistique ?
Le noir enveloppe toutes les couleurs. Il est lumineux. Le hors champ est très important au niveau sonore ou visuel. Il y avait beaucoup de possibilités dans cet hors-champ crée par le noir qui entoure le protagoniste. La suggestion est plus forte à mon avis, par exemple, lorsqu’on entend les hurlements des loups sans les voir, c’était pour moi plus fort et plus intéressant que de les montrer. Le noir est tellement rempli d’informations que c’était stimulant pour moi de travailler là-dessus.
En quoi appartenez-vous au cinéma tunisien ?
Je ne fais pas partie d’un cinéma tunisien. Je n’aime pas être rattaché à cette cinématographie parce que je suis tunisien. Je fais partie de la planète cinéma, c’est plus sincère et en cohérence avec moi-même. J’aime me qualifier de parasite par rapport au cinéma connu et établi en Tunisie. Je veux créer autre chose, être une sorte de tache dans ce paysage. J’essaie d’expérimenter. Tout ce que je veux, c’est faire des films.
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