Le 19 juillet dernier, nous nous rendions à la quarante-deuxième édition du Paléo Festival pour voir des artistes renommés comme Arcade Fire, Pixies ou encore Temples. Cette journée fut résolument placée sous le signe du rock indépendant. Il est vrai que la programmation musicale de ce mercredi était plus harmonieuse et moins éclatée que celle du festival. Cette dernière était, en effet, plus hétéroclite, mélangeant rap, rock, electro et musique française pour combler les attentes du plus grand nombre.
La Grande Scène a tremblé au son des Pixies
Le concert de Pixies, qui figurait parmi les groupes les plus attendus au Paléo Festival, nous a réjoui. Un pogo s’est d’ailleurs organisé devant la scène. Les personnes s’amusaient à participer à cette danse sauvage de manière continue pendant le concert. Les célèbres morceaux Where is My Mind ?, Debaser, Monkey Gone to Heaven nous ont ramené à la fin des années 80 entre les albums Surfer Rosa et Doolittle. La musique des Pixies va chercher ses sources à la fois dans le surf rock, caractéristique d’Here Comes Your Man et le punk présent notamment dans Wave of Mutilation. Les guitares se font dissonantes et rappellent, entre autres, Sonic Youth. Des paroles en espagnol font de temps en temps leur apparition durant le concert, par exemple dans Isla de Encanta : « Donde no hay sufrimiento / Donde no hay sufrimiento / Me vieron pasar por la calle/ Isla del encanto ». De nouveaux titres, qui figurent sur leur dernier album Head Carrier sorti l’année passée, se font entendre. On pense à All I Think about Now dont la mélodie de guitare fait écho à celle présente dans Where is My Mind ? La cadence du concert fut folle. Cependant, le groupe est resté très sobre sur scène même si la prestation musicale était excellente. On peut, en effet, regretter que le chanteur de la formation américaine, Black Francis, soit aussi réservé avec les spectateurs. Mis à part pour remercier ces derniers et présenter les membres de son groupe, il n’a pas pris la peine d’animer son concert. En parlant des musiciens qui composent Pixies, si David Lovering, le batteur, et Joey Santiago, le guitariste principal, sont toujours des membres actuels, le fantôme de l’ancienne bassiste, Kim Deal, erre néanmoins sur la grande scène. Elle a quitté le groupe, originaire de Boston, en juin 2013 et a été remplacé quelques mois plus tard par la musicienne Paz Lenchantin. Vous retrouverez en vidéo ci-dessous l’intégralité du concert.
Arcade Fire nous a rendu nostalgique :
Les talentueux membres d’Arcade Fire avaient l’esprit collectif et une positivité qui a éclairé la plaine de l’Asse durant leur concert au Paléo Festival. L’harmonie entre les différents musicien.ne.s du groupe, mené par le couple Win Butler et Régine Chassagne, était aux rendez-vous. L’hymne joyeux d’Everything Now ouvre le spectacle sous des nappes de synthés maîtrisés. La chanson Here Comes the Night Time emprunte ce même air jovial aux notes de fanfare que son prédécesseur. Le concert du groupe canadien Arcade Fire mêle parfaitement les nouvelles chansons, tirées de leur dernier album, comme Electric Blue et les morceaux qui ont fait leur succès, tels que Neon Bible et Neighborhood #1 (Tunnels). Les premières notes de No Cars Go nous ont indubitablement ramené dix ans en arrière (et rajeuni par la même occasion). On avait découvert, en 2007, la musique d’Arcade Fire par le biais du live de cette chanson à Rock en Seine en 2005. La rythmique rapide de la batterie, la sonorité particulière de l’accordéon, les violons souvent peu utilisés dans le rock et la pop indépendante sont caractéristiques de cette chanson et de leur musique de manière générale. Elle était novatrice, orchestrale, naïve. Le groupe a creusé son sillon dans une forme de pop baroque qu’ils ont progressivement abandonné pour incorporer dans leur musique des éléments de la world music, de l’électro (notamment les synthés) et du disco. On a découvert durant le concert certaines morceaux qui figurent sur l’album Everything Now sorti le 28 juillet 2017, soit plus d’une semaine après leur performance au Paléo Festival.
Si le lyrisme de Creature Comfort est beau à s’écorcher des larmes roses, Chemistry dénote d’une faiblesse mélodieuse qu’on ne connaissait pas aux premiers albums du groupe. Neighborhood #3 (Power Out) ou encore Rebellion (Lies), joués pendant ce concert, ne souffrent pas de cette facilité de composition. Mais, entre temps, leur pop baroque est passée à une forme de dance rock. Néanmoins, le concert festif de la formation canadienne nous a fait oublier les propos quelque peu stéréotypés tenus par le chanteur, Win Butler, au magazine Rolling Stone en 2014 qui se plaignait du public suisse : « Je me souviens que nous étions en tournée et nous étions programmés au Montreux Jazz Festival en Suisse. Nous nous étions fait un point d’honneur de ne plus jamais retourner jouer là. Les concerts étaient si mauvais, les spectateurs étaient juste trop riches et ils s’en foutaient ». Sur scène, le chanteur fut extrêmement communicatif avec le public du Paléo Festival. Il l’a sollicité, l’a complimenté même. Il a d’ailleurs remercié une personne du public de lui avoir jeté une bouteille en plein concert, et nous quitte en disant ceci : « Prenez-soin les uns des autres ». Il voulait probablement se rattraper des paroles malencontreuses qu’il avait tenu quelques années plus tôt. Les autres membres du groupe ne sont pas en reste. Ils bougeaient, dansaient, chantaient sur scène. On ne les arrêtait aucunement. Il a fallu l’avouer : les membres d’Arcade Fire ont été très généreux. Ces derniers avaient un petit patch sur lequel était écrit EN, soit Everything Now, le nom de leur dernier album. Leurs costumes et robes sobres ont été remplacés par des blousons kitsch de cuir et de vestes en jeans, de couleur rouge. D’autres musiciens sont restés plus discrets. Si le temps nous a indubitablement fait perdre notre innocence, nul doute qu’il y a aussi quelque chose qui a disparu chez Arcade Fire. Ils avaient l’espoir des commencements. Ils n’ont plus que le contentement béat de la finitude. Et la nostalgie nous étreint déjà.
Des groupes émergents qui ont fait leur preuve sur scène :
Len Sander était le premier groupe à accueillir le public qui arrivait gentiment en cette fin d’après-midi de juillet au Paléo Festival. La formation suisse, venu de Zürich, s’est lancée sur la scène musicale en 2014. Après leur premier album intitulé Phantom Garden sorti l’année suivante, les six membres de Len Sander continuent à tracer leur musique dans une space pop efficace imprégnée de sonorités électroniques. La chanteuse de Len Sander, Blanka Inauen fait oublier de sa belle voix quelques samples inaboutis et peu esthétiques. Le public de la scène Club Tent s’est laissé séduire par leur musique mélancolique et vaporeuse.
Si les influences musicales du groupe britannique Temples puisent aux sources du rock psychédélique, le style vestimentaire des membres du groupe nous a ramené aux heures de gloire du glam rock. Les musiciens anglais étaient tirés à quatre épingles. La chemise d’été colorée du chanteur James Edward Bagshaw, celle plus tigrée du batteur Samuel Toms ou le blazer de velours d’Adam Thomas Smith témoignaient d’un sens esthétique évident de la part des membres du groupe. Même leurs coupes de cheveux soignées faisaient très seventies. Si la tenue des quatre anglais était recherchée, la musique de Temples n’était pas en reste. Certainty, le premier single de leur dernier album Volcano, est venu confirmer la place prédominante que tient le synthé dans leur musique. Roman God-like Man s’est fait plus agressive sous des riffs acérées de guitare. Mystery of Pop nous a laissé plus indifférent avec une mélodie très enfantine et simple. La voix du chanteur aux boucles d’ébène est un instrument à part entière, extrêmement bien mise en valeur dans leurs morceaux. Nous avons découvert les nouvelles chansons en live. Même si cela nécessitera plusieurs écoutes attentives pour percer à jour leur album sorti en mars dernier, le concert sur la scène des Arches a tenu ses promesses.
Un concert qui nous a laissé indifférent et d’autres que l’on a regretté d’avoir manqué
Le groupe australien Midnight Oil, connu pour ses engagements pacifistes et écologistes, a ouvert son concert de manière très musclée avec le morceau Redneck Wonderland. Si on a apprécié la verbe du chanteur Peter Garett et le solo de batterie de Rob Hirst sur la chanson Sell my soul, ce concert très sympathique ne nous a pas laissé de souvenir impérissable. La faute probablement au fait que nous ne connaissions pas le groupe. On s’est éclipsé une trentaine de minutes après le début de leur performance. Leur célèbre morceau Beds are burning, qui dénonçait de manière visionnaire le réchauffement climatique, a retenti sur la plaine de l’Asse. On l’a entendu de loin.
On a sincèrement regretté d’avoir manqué plusieurs concerts qui se chevauchaient avec ceux que l’on a décidé de couvrir. Parmi eux, on retrouve le groupe rennois Her qu’on avait découvert il y a plus d’une année avec leur très beau morceau Quite Like. Le regret de ne pas les avoir vu au Paléo Festival a trouvé une certaine résonance ces dernières semaines. La moitié du duo français, Simon Carpentier, est malheureusement mort le 13 août 2017 des suites d’un cancer. La presse musicale française a rendu hommage à ce talentueux musicien parti trop tôt. Hyperculte et Orchestre Tout Puissant Marcel Duchamp XXL sont les deux groupes suisses romands que l’on aurait espéré (re)voir durant ce festival. Mais c’est un peu le jeu de ce type d’événement musical où des choix en terme de concerts doivent malheureusement être faits. On visionnera avec plaisir le live d’Hyperculte en replay. En conclusion, les retrouvailles avec le Paléo Festival nous ont laissé de bons souvenirs.
Janett Donis