FNC | Entre fascination et angoisse

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Image droits réservés ®Kinga Michalska

La semaine dernière se déroulait la 45ème édition du Festival du nouveau cinéma à Montréal. Outre une excellente programmation, les spectateurs ont eu l’occasion de découvrir plusieurs films en réalité virtuelle. Captivant.

Prendre la place d’un personnage central d’un film, ça vous tente? À Montréal, le Festival du nouveau cinéma (FNC) invitait les curieux à enfiler des lunettes et s’évader. Une nouvelle section y était consacrée, FNC eXPlore, dans laquelle les spectateurs pouvaient s’aventurer dans des œuvres interactives de réalité virtuelle – par exemple, en se transformant en magicien dans le film suisse Break a leg (Emilie Joly, 2016).

Partenaire du Festival Tous Écrans à Genève qui se déroulera du 4 au 12 novembre prochains, le festival québécois est pionnier dans l’art de présenter « les nouvelles technologies » au public. Tous les sens y sont appelés. Les différentes expériences à la première personne font, non seulement travailler la vue et l’ouïe, mais aussi, le toucher et l’odorat comme dans Be Boy Be Girl (Frederik Duerinck,Marleine Van der Werf, 2016) dans lequel le spectateur peut changer de corps au bord d’une plage à Hawaï.

Image droits réservés ®Kinga Michalska
Image droits réservés ®Kinga Michalska

Ces différentes possibilités remettent en jeu notre rapport à la réalité et au cinéma tout en étant l’indice de notre société. « Jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour vivre des émotions fortes? » se questionne Aline, l’une des spectatrices qui s’est confiée au Billet.

L’avenir du cinéma est aussi en jeu. Si Paris s’apprête à ouvrir, à la fin du mois, le premier cinéma en réalité virtuelle, Pickup VR cinéma, la Suisse n’en est pas encore là. Petit à petit, la réalité virtuelle gagne du terrain, on peut déjà assister à des matchs en 360° chez soi. Ce nouveau média intrigue tout faisant peur, pourquoi?

« Cela pourrait remplacer la 3D, prédit Amandine, une autre amatrice de cinéma rencontrée à la sortie d’une séance. Parce qu’on a envie d’être de plus en plus immergés dans les histoires. Personne n’a été capable de s’imaginer qu’on pourrait passer la moitié de nos journées devant un écran, pourtant c’est ce qu’on fait aujourd’hui. »

I Philip (Pierre Zandrowicz, 2016), projetait le spectateur dans le « corps » d’un androïde nommé Phil. Immergé à l’intérieur de ce système informatique, on expérimente la sensation du corps « machine ». On devient un objet qu’on déplace, une boîte, de laquelle on devine ce qui nous entoure. À travers un autre projet de long-métrage interactif, Ewa, out of Body (Johan Knattrup Jensen, Mads Dambso, 2016), on devient une petite fille de 13 ans, redoutant une mère sévère.

Qu’elles soient plus du côté du documentaire – Jours de tournage de Ma Loute (Fouzi Louahem, 2016), où on assiste au tournage du film – du cinéma expérimental – Invisible (Darren Emerson, 2016) qui dénonce le milieu carcéral – du cinéma d’animation – The Rose and I (USA, 2016) qui révise l’histoire du Petit Prince – d’une fiction – I Phillip – ou du côté de la réalité virtuelle – Notes On Blindness (FR,GB, 2016)qui joue sur l’écoute et la cécité, les oeuvres interactives démontrent la multiplicité de leurs thématiques et de leur approches. 

Image droits résérvés ®Léa Grahovac
Image droits résérvés ®Léa Grahovac

Très impressionnant techniquement, les films interactifs ont un côté décrit comme « angoissant» » par les spectateurs qui se sentent « prisonniers du film ». Ne pouvant que fermer les yeux, ou évidement enlever le casque, le spectateur est enfermé dans le monde qui lui est imposé à 360 degrés. Cette absence de conscience de l’espace « réel » crée une certaine anxiété chez certains spectateurs. Le rapport émotionnel à l’histoire change aussi, selon l’expérience qu’en a fait Aline, car l’image est ressentie comme « imposée », d’avantage qu’au cinéma, et le manque de recul face aux films interactifs était dérangeant.

Comme toute évolution technique enfin, les films interactifs et les réalités virtuelles sont le miroir de notre société qui tend de plus en plus vers un individualisme fort. On se demande alors, avec inquiétude, jusqu’à quel point est-ce que l’expérience en vaut la peine? Ou avec humour, comme Aline, « comment est-ce qu’on fera pour se faire des bisous en date »? 

Quoiqu’il en soit, l’expérience est à tester assurément, histoire de profiter de ces quelques minutes de plaisir angoissant. Vous trouverez plusieurs oeuvres, en entrée libre, dans la section digitale du Festival Tous Ecrans entre le 4 et le 12 novembre.

À voir, à discuter, à toucher, à écouter, bref à vivre!

L’Office National du Film du Canada organise un salon de discussions autour de la question dans le cadre du MUTEK_IMG, les 10 et 11 novembre prochains au Rialto à Montréal.