Xavier Giannoli s’était intéressé de près à l’incroyable parcours de cette femme à la voix fausse, voire atroce. Cette fois-ci, le phénomène Florence Foster Jenkins est passé au crible par Stephen Frears. Presque une année après son très bon biopic sur Lance Armstrong, The Program, l’Anglais nous plonge dans le New-York des années 40. Là, cette héritière et célèbre mondaine se rêve en grande cantatrice d’opéra. Son rêve deviendra réalité grâce à sa montée sur la scène du Carnegie Hall. Le spectacle affiche complet, les billet s’arrachent. Mais derrière ce spectacle, St Clair Bayfield, imprésario et mari de Jenkins, est sur le qui vive pour que sa femme n’apprenne pas la triste vérité : le monde se moque de Florence Foster Jenkins.
Marguerite – la version française inspirée de Foster Jenkins – était une réussite. Une oeuvre qui penchait dans le cinéma dit d’auteur, malgré le côté populaire du récit. Dans la version de Frears, la réalisation verse un peu plus dans un cinéma grand public. Le regard que pose Stephen Frears est presque affectueux, parfois amusé mais profondément touché par la passion que Foster Jenkins (Meryl Streep) éprouvait pour la musique. Marquée par le refus de son père de pratiquer la musique, elle ne recule devant rien, son envie débordante d’exercer sa « raison de vivre » la poussera à déplacer des montagnes.
Un mari exemplaire à ses côtés
Déterminée, cette piètre chanteuse peut compter sur l’appui de son mari. St Clair Bayfield (Hugh Grant) est la pierre angulaire du bon fonctionnement du couple. Comédien (raté) anglais, l’homme graisse la patte aux journalistes, tente coûte que coûte de cacher la vérité à sa femme. Il réalise un véritable numéro d’équilibriste pour que sa dulcinée vive dans un certain mensonge, elle-même persuadée qu’elle chante magnifiquement. À l’image de la société mondaine, l’hypocrisie est criante, mais Jenkins se complait dans cet univers qu’on peut qualifier de « monté de toutes pièces » et orchestré par son cher mari.
Ce numéro qu’interprète un Hugh Grant dans grands soirs, nous laisse à penser que c’est plutôt lui la base du film, le point d’ancrage. En campant le rôle fantasque de St Clair Bayfield, Grant trouve dans cette performance un registre qui lui sied à merveille. Si bien que sous ce côté d’aristocrate coincé, Bayfield se profile comme un chevalier servant qui accourt au secours de sa belle au moindre problème.
Thème récurent dans Florence Foster Jenkins, la relation quelque peu atypique entre Jenkins et Bayfield. Cette relation basée sur l’abstinence – à cause d’une maladie antérieure – fait naître une véritable complicité entre les deux personnages. Un amour fusionnel qui semble indestructible, comme la passion pour la musique pour la chanteuse soprano. D’ailleurs, il est intéressant de souligner le rapport amour/musique qui symbolise cette frénésie qui anime le film.
Le fidèle accompagnateur, Cosmé McMoon
Hormis son mari dévoué, une autre figure prend une place prépondérante dans la garde rapprochée de Jenkins. Ce n’est autre que son pianiste et accompagnateur, Cosmé McMoon (Simon Helberg). Abasourdi par le manque total de rythme et cette incapacité à chanter juste, le musicien ne peut retenir des rires moqueurs et, lui-même, se demander pourquoi il joue pour cette femme étrange. De fil en aiguille, McMoon tombera sous le charme d’une femme profondément gentille. Plus le film avance, plus nous sentons que le pianiste éprouve une affection grandissante, nous laissant penser qu’il la perçoit comme une figure maternelle.
Grâce à cette sympathie qu’elle dégage, Florence Foster Jenkins s’est peut-être forgée une réputation grâce à ce trait de caractère – sa fortune est aussi une raison. Son allant, cet élan passionné fascine, si bien que son nom est presque une institution alors qu’elle chantait comme une casserole. Cocasse, sachant qu’elle était dénuée de talent. Mais n’est-il pas là le talent ? Difficile à dire, car même si la société se moquait méchamment de cette dame hors du commun, un homme a réussi à (re)transmettre une histoire joyeuse et triste à la fois. Cet individu se nomme Stephen Frears. Sans faire des tonnes, le cinéaste britannique nous plonge dans cette ambiance avec une certaine innocence, couplée de moments émotionnellement chargés. Une justesse qui caractérise le travail de Frears.
Florence Foster Jenkins | Bande-annonce
Fiche technique :
Réalisé par : Stephen Frears
Date de sortie : 13 juillet 2016
Durée : 1h50min
Genre : Biopic, Comédie dramatique
Pays : Grande-Bretagne, France
Scénario : Nicholas Martin
Photographie : Danny Cohen
Musique : Alexandre Desplat
Distributeur suisse : Pathé
Casting :
Meryl Streep
Hugh Grant
Simon Helberg
Rebecca Ferguson
Nina Arianda
Stanley Townsend
Allan Corduner
Christian McKay