Le Syndrome de Petrouchka

Amour inconditionnel et obsession perverse.

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Le Syndrome de Petrouchka - Image droits réservés - © JMH Distribution

L’obsession. Dit comme ça, le terme est vaste. Dans Le Syndrome de Petrouchka, nous découvrons un homme, Peter, fasciné par la beauté de Lisa, accro à cette femme à la longue chevelure rousse. L’homme compile une autre passion : le monde des marionnettes, depuis sa plus tendre enfance. Le couple ne fait qu’un, la complicité est telle que rien ne semble se mettre en travers du chemin des deux tourtereaux. Rien ne semble atteindre Peter et Lisa, hormis la perte d’un enfant…

Après l’oubliable Sam, Elena Hazanov retourne dans son pays natal : la Russie. Un retour aux sources qui semble salutaire tant sa nouvelle oeuvre est d’un tout autre calibre que sa précédente. Cette mise en scène froide et singulière en fait une oeuvre qui définit précisément ce qui fait la superbe du cinéma russe. Elena Hazanov ne nous dira pas le contraire.

Passion et perversion

Dans Le Syndrome de Petrouchka, il y a cette sensation d’être spectateur d’un homme qui, éperdu de sa dulcinée, perd la raison, la notion de proximité entre deux conjoints. Fasciné par cette créature, Peter (Evgeny Mironov) développe une telle passion pour Lisa (Chulpan Khamatova) que son amour bascule dans la perversion. Le lien si fort qui unit Lisa et Peter prendra un vilain coup quand une maladie génétique grave les privera d’une paternité heureuse. Peut-être choqué et déboussolé, Peter – marionnettiste de métier – s’enferme dans son atelier et confectionne une poupée à l’effigie de sa femme. À son retour, après un petit détour dans un hôpital psychiatrique, Lisa découvre ce « clone » trônant dans la même pièce qu’elle. Fier de son travail, Peter observe cette poupée comme si sa vie en dépendait, sous le regard désappointé de son épouse.

Une complicité sans faille pour Lisa (Chulpan Khamatova) et Peter (Evgeny Mironov) - Image droits réservés - © JMH Distribution
Une complicité sans faille pour Lisa (Chulpan Khamatova) et Peter (Evgeny Mironov) – Image droits réservés – © JMH Distribution

Il est à souligner qu’avant la naissance de leur premier enfant, Lisa et Peter se donnaient en spectacle. Le couple produisait des ballets qui attiraient les foules. Durant sa pause maternité et son séjour psychiatrique, Lisa s’est faite remplacée par Alice, cette fameuse « copie ». Peter reprend les ballets qui faisaient la renommée du couple, en échangeant Lisa avec Alice. Là aussi le succès est au rendez-vous, voire plus. Lisa souffre et est spectatrice d’un homme qui exulte devant une vulgaire figurine qui incarne, pour lui, la perfection féminine.

Plus dure sera la chute

Complètement obnubilé par son oeuvre, Peter laisse filer ce qu’il a de plus précieux : Lisa. C’est alors qu’entre en scène Boris (Ninidze) – un personnage qui n’apporte pas grand chose -, un proche ami de la famille. Médecin et chargé de suivre le caractère friable de Lisa, Boris se faufilera pour amadouer la belle rousse. « Je n’appartiens qu’à lui, même si je ne le veux pas », dit Lisa. De cette phrase, Le Syndrome de Petrouchka développe toute l’obsession qui accompagne le film d’Elena Hazanov. Un cercle vicieux s’installe et nous maintient dans cette ambiance sombre et inconfortable, comme le souligne ce monde très mystérieux des marionnettes. Le film tout entier repose sur une atmosphère occulte qui s’intensifie dès que nous prenons connaissance d’une tragique lignée familiale. Ces révélations faites par le père de Lisa sont le point d’ancrage, la raison de ce climat fantaisiste et maléfique, où les marionnettes tiennent une nouvelle fois une part obscure.

Remplacée, Lisa se sent bien seule - Image droits réservés - © JMH Distribution
Remplacée, Lisa se sent bien seule – Image droits réservés – © JMH Distribution

Emmené par un duo d’acteurs principaux émérites, Le Syndrome de Petrouchka captive par ce traitement sobre et très opaque. Hazanov se fait l’auteure d’un film indiscernable, et très appliqué sur la relation très nocive entre Lisa et Peter. Bien que le métrage aurait pu être plus approfondi et plus « dérangé », Le Syndrome de Petrouchka est ce genre de film qui se construit autour d’une étrange histoire, où l’atmosphère est primordiale pour rendre le récit saisissant. Là, Hazanov parvient à nous entraîner dans cette ode à l’obsession.

Basé sur le roman de Dina Rubina, Le Syndrome de Petrouchka est perfectible, mais ce curieux spectacle proposé nous enveloppe dans une expérience vicieuse à la recherche de la perfection, comme l’était La piel que habito de Pedro Almodovar. 90 minutes d’un ballet sépulcral où les conséquences seront irrémédiables.

Le Syndrome de Petrouchka | Bande annonce

Fiche technique :

Réalisé par : Elena Hazanov
Date de sortie : 16 mars 2016
Durée : 1h30min
Genre : Drame
Pays : Allemagne, Russie, Suisse
Scénario : Alena Alova, Dina Rubina
Photographie : Aziz Zhambakiev
Musique : Nicolas Rabaeus
Distributeur en Suisse : JMH Distribution

Casting :

Evgueni Mironov
Chulpan Khamatova
Merba Ninidze