Room

Un raz-de-marée émotionnel.

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Room de Lenny Abrahamson - Image droits réservés - Photo : A24

Room est l’adaptation cinématographique du best-seller de Emma Donoghue. La romancière s’est inspirée de l’affaire Fritzl, et plus particulièrement du petit Felix âgé de 5 ans. Une histoire atroce où Josef Fritzl a séquestré et violé sa fille pendant plusieurs années. La cruauté de ce fait divers se rapproche fortement de l’histoire de Room. Une jeune femme séquestrée et retenue prisonnière dans une vulgaire cabane au fond du jardin de son kidnappeur.

Retenu prisonnier par Old Nick, le petit Jack, 5 ans, va découvrir le monde enfermé entre les murs de cette cabane froide et peu accueillante. Grâce à Ma, sa maman, Jack apprend à jouer, à rire, et à comprendre le monde qui l’entoure. À bout de nerfs et par amour, Ma décide d’orchestrer la fugue de son fils pour lui offrir une nouvelle vie. Les risques paient et une toute nouvelle existence s’offre à Ma et Jack.

À travers le regard innocent d’un enfant de 5 ans, nous entrons dans un récit où la connexion mère-fils est le point d’ancrage d’un film poignant et bouleversant. Confiné avec sa mère dans cette cabane, Jack ne se plaint pas de son misérable habitat, mieux, il semble content et salue les objets comme des membres de sa famille. Malgré l’esprit plutôt joyeux de son rejeton, Ma (Brie Larson) souhaite une autre tournure pour son fils. Dans cette cabane, le sentiment d’étouffement s’intensifie, tout comme le sentiment de dégoût que nous éprouvons les soirs où Old Nick débarque pour amener des victuailles et profiter d’un moment intime avec Ma. Ce sentiment d’injustice, nous le vivons à travers Jack – l’intelligence de la mise en scène nous expose la situation sous un autre angle – qui se laisse bercer par son imagination pour « s’évader » de ce cauchemar.

Le regard vers le ciel, vers la liberté - Image droits réservés - Photo : A24
Le regard vers le ciel, vers la liberté – Image droits réservés – Photo : A24

L’action du film grimpe d’un cran à partir de cette ruse imaginée par Ma pour se sortir des griffes de Old Nick. Si la première partie du film nous expose cette relation très fusionnelle entre Jack et Ma, la seconde partie dépeint une autre facette du métrage. Grâce à l’abnégation et à la ténacité de Ma, Jack parvient à se libérer de l’étreinte de son assaillant. Là, Lenny Abrahamson, le réalisateur, se fait l’auteur d’une mise en scène subtile. Complètement désorienté, Jack entre dans une sorte d’état second à l’instant où il rentre en contact avec le monde extérieur. Nous ressentons une sensation étrange et oppressante, comme si nous aussi nous entrons dans une nouvelle réalité. Une toute nouvelle vie débute pour Jack, mais aussi pour Ma. Libérée elle aussi, le cauchemar prend fin et le bonheur semble se dessiner pour le duo.



Toute l’intelligence de la réalisation nous bascule dans une autre dimension. Lenny Abrahamson passe de la relation mère-fils, à l’après-kidnapping. Après l’euphorie des retrouvailles, Ma sombre dans une crise existentielle presque insurmontable. Très marquée et même remontée face à ses parents – une colère injuste -, la jeune maman doute et tente de mettre fin à ses jours. Devant la tristesse et l’aveu d’impuissance de sa mère, Jack tisse des liens plus forts avec sa grand-maman (Joan Allen) et, de par son innocence enfantine, il nous emmène dans SA découverte du monde. Des instants étonnants, dont le niveau d’émotion atteint son paroxysme.

Jacob Tremblay, l’interprète de Jack, réussit une performance sublime. Le jeune acteur campe avec une justesse rare, voire même naturelle, son personnage. La performance est d’une telle fluidité que nous sommes béats d’admiration. Brie Larson, elle, réussit – on se souvient de son extraordinaire performance dans Short Term 12 – à nous subjuguer dans sa composition. Joan Allen interprète avec subtilité la grand-maman. Elle apporte cette touche extérieure, hors du lien puissant qui unit Jack et Ma. Le casting est renforcé par la présence de William H. Macy. Je dis renforcé, car Macy campe le père de Ma. Profondément touché par l’incident, ce dernier n’arrive pas à poser le regard sur sa fille. Cette courte présence de Macy est forte de sens et déclenchera un profond malaise familial. En somme, la distribution est magistrale.

Comment rester de marbre devant un tel film ? La dramaturgie atteint des sommets et nous touche en plein coeur. En abordant plusieurs aspects souvent oubliés dans ce genre de récit – la thématique du deuil est parfaitement décrite et cela a son importance -, Lenny Abrahamson (Frank, What Richard Did) réalise une oeuvre d’une intense émotion – l’excellente BO de Stephen Rennicks appuiera cette sensation -, parfois impitoyable. Un film intimiste et humain, dont la légèreté du traitement révèle un film profondément beau et saisissant. Les yeux rivés vers le ciel, Ma et Jack plongent leurs regards vers la liberté, vers l’infini.

Bande-annonce :

Fiche technique :

Réalisé par : Lenny Abrahamson
Date de sortie : 9 mars 2016
Durée : 1h58min
Genre . Drame
Nationalités : Canadien, Irlandais
Scénario : Emma Donoghue
Photographie : Danny Cohen
Musique : Stephen Rennicks
Distribution Suisse : Ascot Elite

Casting :

Brie Larson
Jacob Tremblay
Joan Allen
William H. Macy
Sean Bridgers
Amanda Brugel
Megan Park

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Journaliste culturel. Ex Italic Magazine et ravagé de l'écran.