Deux semaines après la sortie de leur second album « Happy People », nous avons rencontré PEACE juste avant leur concert aux Hivernales de Nyon. Entretien avec Harry Koisser et Dom Boyce.
Félicitations pour votre nouvel album « Happy People » ! Compte tenu du succès de votre premier album « In love », et des attentes des médias, ce second disque fût-il difficile à réaliser ?
Harry : Non ça n’a pas été difficile techniquement parlant ou en terme d’inspiration. Ce qui a été difficile, c’est de trouver le temps de le faire par ce que nous étions encore en train de tourner le premier album. Après, concernant les attentes des médias, et de la presse musicale en général, on les a simplement ignorées. On ne s’est vraiment pas inquiété du tout de ça en fait.
La chance qu’on a eue c’est que la première chose qu’on a enregistrée pour ce nouvel album sonnait vraiment bien. C’était la chanson « Money » je crois, et elle s’est mis en place très rapidement, du coup ça a donné le ton, l’inverse aurait pu être déroutant et nous mettre sur le mauvais chemin. Après ça, on était de nouveau dans une lancée, on s’est remis en selle !
Dom : (Convaincu). Yeah we jumped back on the horse !
Le manager derrière : Yeah jumped Straight back on the horse !
Bien avant la sortie officielle de l’album, plusieurs chansons étaient déjà disponible et chacune d’elles, accompagnée de sa vidéo, « world pleasure », « Lost on me », « I’m a girl ». Etait-ce une obligation promotionnelle afin de faire patienter les fans ?
Harry: Non pas du tout. C’est juste que les gens qui consomment de la musique de nos jours, majoritairement des gens plus jeunes que nous, veulent la consommer immédiatement. On s’est dit que même si on n’avait pas encore fini l’album, on mettrait des extraits directement en ligne avec une vidéo. On essaie de vivre avec notre temps et on ne voit pas vraiment pourquoi on s’en priverait. On n’a pas décidé de garder toutes nos cartes cachées stratégiquement avant d’abattre tout notre jeu sur la table en une fois. De toute façon, cette manière de faire n’a plus aucun impact aujourd’hui commercialement parlant. Et en plus, on n’est pas un groupe qui vend beaucoup de disques.
Dom : Et surtout, on n’a pas la patience de faire ça. On s’ennuie vite en tant que groupe, alors sortir des choses souvent et rapidement, ça maintient une dynamique qui nous convient très bien.
Etant moi-même musicien, j’avais quelques questions à vous poser sur le songwriting au sein de Peace. Si je prends une chanson comme « Someday » du nouvel album, on devine clairement que c’est une chanson composée de manière plutôt conventionnelle guitare-voix, je me demandais donc comment une chanson comme « Lost on me » était née ?
Harry : J’ai d’abord fait une démo. Généralement, j’écris les paroles en premier, les mélodies viennent ensuite. Là encore avec la tournée toujours en cours, on n’a pas vraiment eu le temps de jouer ensemble en dehors des concerts alors j’ai réalisé des démos assez basiques pour quasi toutes les chansons de l’album. Pour en revenir à « Lost on me », la démo de base était vraiment très rock, avec de grosses guitares, il n’y avait pas encore ce riff de basse groovy ni ce rythme de batterie. Puis Sam et Dom ont commencé à jouer et le morceau a pris une toute autre forme.
Dom : La chanson s’est surtout énormément développée en studio. On a beaucoup travaillé le son de la batterie.
Harry : Et comme on venait d’enregistrer « Money » on était naturellement attiré par ce genre de rythme funky. En fait, il a commencé à jouer ce riff de basse et dès ce moment, c’était impossible de penser à essayer autre chose, ça sonnait juste trop bien et ça a donné sa couleur à la chanson. Ce genre de situation, je pense que ça peut résumer ce que c’est que de jouer dans un groupe et le côté génial que ça représente.
A propos du travail de groupe, vous arrive-t-il de discuter la partie de l’un ou de l’autre ou de suggérer une autre idée ?
Harry : Oui on travaille vraiment ensemble et on s’intéresse tous mutuellement à nos parties respectives. Après, bien sûr que si j’ai une idée bien précise de comment j’aimerais que la basse ou la batterie sonne, je vais tâcher de le faire comprendre aux autres.
Dom : Pour une chanson comme « Under the moon » par exemple, Harry nous a amené la démo telle qu’elle est sur l’album, et on ne l’a même pas modifiée. On l’a tous écoutée, tous aimée et ne trouvait rien à y ajouter pour l’améliorer. J’ai juste rejoué de la batterie par dessus.
Dom à propos, je trouve ton jeu de batterie très spontané et parfois très original, comme sur la chanson « Bloodshake » sur le premier album, est-ce voulu ou est-ce que ça te vient naturellement sans y réfléchir ?
Dom : Merci ! En effet, pour chaque chanson, nous essayons de trouver le groove qui convient le mieux à la chanson puis une fois qu’on l’a trouvé, j’essaye de jouer ce rythme d’une manière qui ne me fait penser à aucun autre groupe.
Harry : C’est un de mes moments préférés en studio, les prises de batterie. Je vais vers Dom et lui suggère des idées, je lui demande un simple beat, et ensuite je l’observe créer quelque chose d’unique.
Vous travaillez beaucoup tous les deux dans le groupe ?
Harry : Ouais je pense qu’on peut dire qu’il y une bonne moitié de chaque jour que je passe avec Dom, à côté de la grosse caisse. Ayant écrit la chanson, j’ai toujours une petite idée du rythme que j’aimerais lui donner, à part si je sais qu’on va tout changer au studio.
Dom : Il me pousse tous le temps à essayer de nouvelles choses et c’est bien, c’est stimulant même si je n’ai pas toujours envie de l’écouter… (Rires). Il me dit « tu pourrais essayer ça, ou ça ou tu pourrais aussi faire ça » et des fois, je lui réponds « et toi pourquoi t’essayerais pas ça : il lui montre son majeur » (rires).
Harry : Je pense que ça a une grande importance pour moi et pour l’impact que je veux donner à l’ensemble. Que le tout forme un ensemble cohérent plutôt que quatre gars qui jouent indépendamment leur truc. Sur certaines chansons, j’aime que la batterie suive la voix, pour donner au phrasé un aspect rythmique plus puissant.
Comme dans les Who par exemple, ou Keith Moon suivait constamment la guitare rythmique tout en marquant les inflexions vocales?
Harry : Oui, c’est exactement ça, à la Keith Moon.
Dom : Tout à fait.
Passons à la guitare maintenant, Harry, jai été impressioné par ton jeu de guitare sur une reprise de « Since I’ve been lonving you » de Led Zeppelin, tu peux nous en dire plus ?
Oh oui, on se sentait obligé de sortir ça. On l’a fait en soundcheck depuis longtemps, il fallait qu’on le montre. C’est devenu un rituel, cinq minutes par jour ou je peux réèlement m’entraîner.
As-tu pris des cours ou es-tu autodidacte ?
Autodidacte, j’ai pris trois leçons quand j’avais huit ans.
Et comment as-tu appris à jouer cette chanson ?
En regardant des vidéos de concerts. Mon père avait beaucoup de cassettes-vidéos, je les ai regardées pendant des heures, des dizaines de fois et puis quand on a eu internet à la maison, je me suis mis à apprendre quelques gammes. Puis, un jour, je me suis dis que je voulais jouer comme Jimmy page, et j’ai passé beaucoup de temps à regarder des vidéos, encore et encore. A observer la manière dont il faisait ses bends. Et je me suis amélioré progressivement.
Et c’est à ce moment que tu t’es acheté une Les Paul ? (guitare fétiche de Jimmy Page)
Oui, jusque-là, j’avais toujours joué sur des fender mustang, puis un jour j’ai remarqué que pas mal d’amis et d’autres gars dans d’autres groupes jouaient tous sur des mustang ou des jaguar. Et je me suis dit, personne ne joue avec une les paul ? Et j’ai vu celle-ci, je me suis dis, je vais jouer avec celle-là, je vois personne d’autres jouer avec ça. Y’a cette part de Jimmy en moi qui doit sortir. Ca ne doit pas rester un plaisir coupable, mais un plaisir tout court. (Rires).
Est-ce que ça a changé ta façon de jouer ?
Oui totalement.
La même question pour toi Dom, autodidacte ?
A moitié, j’ai quand même pris quelques leçons et commencé à jouer assez tôt. J’ai eu mon premier kit à cinq ans. Et ensuite au collège, j’ai dû prendre des cours pendant un mois et demi. Mais ça m’a été très utile, j’utilise encore des trucs appris à l’époque, d’un point de vue purement technique. A propos, je ne pense pas que ma technique soit très bonne, mais jusque-là, ça marche pas mal ! (rires).
Harry : Je n’ai jamais pu lire de partitions. Je sais que ça fait un peu feignant mais je n’ai jamais eu de patience avec les choses écrites en général. J’essayais mais peu de temps après, je me disais que ça n’avais pas de sens. J’ai arrêté après trois leçons. Du coup je n’avais pas vraiment d’autres options que d’apprendre à ma manière. (Il adopte un ton supérieur) C’est trop stupide, désolé mais c’est trop stupide pour moi ! (Rires).
Revenons-en au nouvel album, avez-vous déjà lu des critiques dans la presse ?
Harry : Oui quelques-unes, nos attachés de presse nous les font parvenir.
Uniquement les bonnes ?
Non, surtout les moins bonnes en fait. Ils le font volontairement pour créer une réaction. Je sais que normalement, pour paraître cool, on devrait dire qu’on ne les lit pas, mais on s’en fout de paraître cool ou pas. Donc on les lis. Et la première réaction, évidemment c’est : quoi ?? C’est quoi ces conneries ! Et après la deuxième réaction c’est : je vais leur prouver qu’ils ont tort. Et ça, encore plus avant nos concerts, on a comme un feu dans le ventre, une énergie positive qui nous pousse à leur prouver qu’ils ont tort et qu’on vaut réèlement le coup et qu’ils n’ont vraiment pas compris ou on voulait en venir. On est très sérieux avec ça et honnêtes, ce n’est pas un jeu pour nous, c’est réèl et sincère. On donne tout ce qu’on a pour que ça marche et pour que dans cinq ans on puisse leur faire ça : (majeur adressé aux détracteurs !!!) (Rires).
Oui on pense à ces prétendues références années 90’s auxquelles la presse anglaise ne cesse de vous comparer…
Harry : (remonté)
« Exact, tu sais quoi, j’étais mort quand les Stone Roses étaient en activité… »
euh… j’ai dis mort mais je voulais dire que je n’étais pas encore en vie… ! (Rires général). (Il continue) Je n’étais pas encore né quoi. Ce qui soulève une question : est-ce qu’on est mort avant d’être vivant ? (Long silence). Ok, il est peut être encore un peu tôt pour ce genre de questions (Rires.) Tout ça pour dire que dans deux ans, j’espère que les gens qui ont écrit ça se renderont compte que ce n’était pas un revival brit-pop des 90’s. Je veux qu’ils se disent dans deux ans que ce qu’on a fait était totalement en adéquation avec son époque, c’était le son de 2015.
(Il insiste). Dans deux ans, ils viendront à un de nos concerts et diront : « merde, j’aurais pas du écrire ce mauvais papier sur Peace ».
Si on en revient au début du groupe et plus précisément au moment de vos premières scènes, avez-vous reçu beaucoup de conseils de la part d’autres groupes ou de gens du métier sur vos performances scéniques ? Sur la manière dont vous interagissez avec le public ?
Harry : Oui énormément de gens nous ont donné des conseils. Mais je dois avouer que je suis vraiment nul quand il s’agit de m’en souvenir. Dès que je monte sur scène, j’oublie tout ce que j’étais censé faire ou dire. Je me rappelle d’un concert ou la scène était si petite que la batterie était d’un côté et moi de l’autre. Notre manager m’a dit de faire face au public et de me mettre au centre, je lui ai répondu que je ne pouvais pas car la scène était trop petite, il m’a dit alors va directement devant les gens! (Rires.) Donc non, pour répondre à la question, on n’a jamais vraiment cherché à travailler cet aspect-là, tout s’est fait naturellement.
L’imagerie du groupe dans son ensemble semble à la fois très recherchée, mais aussi très spontanée. On vous sent à l’aise avec l’idée de vous mettre en scène, comme dans Le clip hilarant de « Lost on me » par exemple! Les idées viennent-elles toutes de vous, ou êtes-vous systématiquement entourés par une équipe pour ce genre de choses?
Dom : C’est toujours un peu une collaboration entre nous et les gens du label. Comme tu dis, il faut que ça nous ressemble et qu’on soit à l’aise, c’est le plus important. Pour le clip de « Lost on me », c’est quasi entièrement l’idée du réalisateur, on a adoré l’idée immédiatement et du coup on a eu aucun problème à jouer le jeu.
Vous n’avez donc pas inventé cette chorégraphie géniale?
Harry : Non. (Rires). On n’est pas assez talentueux pour ça. Comme l’a dit Dom, il faut qu’on se sente bien avec l’idée de faire telle ou telle chose. Parfois, je tombe sur une photo qu’on a faite il y a longtemps et sur laquelle on n’a pas l’air heureux du tout. Et je peux te dire immédiatement qu’on n’avait pas envie de la faire ! (Rires.)
Je pense que cette attitude est une des clés de votre succès. Cet équilibre entre, d’un côté la passion et le caractère épique de votre musique et de l’autre, cette facette plus légère, ironique et festive qu’on sent dans la personnalité et l’attitude de chaque membre du groupe. Vous êtes d’accord avec ça ?
Harry : Oui tout à fait, « What you see is what you get man ! ». Je crois que cette attitude très terre à terre et pas du tout prise de tête vient du fait que quand on a commencé, il y avait beaucoup de groupes autour de nous qui se prenaientt très au sérieux en inventant toute une mythologie autour d’eux. On a tourné par exemple avec un groupe qui s’appelait Wu Lyf. Très bon groupe du reste, mais qui se prétendait plus être une sorte de religion qu’un groupe de rock. On ne savait pas trop quoi en penser… J’avais envie de leur dire : mais pourquoi inventer des trucs pareils ? Vous êtes juste quatre gars de Manchester… ! Je sais pas comment expliquer ça mais… je pige pas l’idée de porter un masque ou de mettre un triangle au milieu du nom de ton groupe, ça me dépasse un peu… !
Dom : Oui, je pense qu’il est plus intéressant de laisser le public créer tout un monde autour du groupe.
Harry : On attendra le quatrième album pour devenir bizarre !
En attendant les troisièmes et quatrièmes albums de PEACE, Ils seront au Caribana à Nyon le 6 juin prochain !