Au début il y avait la Dolce Vita. En fait, non, au début, il n’y avait rien.
Puis, il y a eu Lôzane Bouge. Vaste mouvement de revendications sociales à Lausanne, en 1980 et 1981, dont les revendications, en écho aux mouvements similaires à Zurich, étaient, notamment, la critique de la société de consommation, l’opposition au nucléaire, le combat contre la discrimination des homosexuels ou simplement le fait qu’on se fait chier à Lausanne en 1980 quand on est jeune. Le mouvement demande un espace autogéré, afin de s’exprimer socialement, politiquement et culturellement. De ce mouvement émerge en 1985 (eh oui, tout prend du temps en Suisse) la Dolce Vita ; espace culturel, salle de concert, la Do marquera les 15 années qui suivront. La légende parle d’un concert des Red Hot Chili Peppers en 1988, d’un Jean-Marc Richard avec des cheveux, mais aussi de pissoirs acrobatiques. En 1999, la Dolce ferme et l’association l’association à but non lucratif …e la Nave Va se créée dans le but de proposer un nouveau projet de scène indépendante à Lausanne. C’est une autre histoire, on y reviendra.
Avant la fermeture de la Dolce en 1999, les choses ont bougé. En fait, Lôzane a mis du temps à bouger, à se réveiller, mais le réveil est spectaculaire. Les années 1990 sont le théâtre d’une explosion de la vie nocturne et culturelle, qui va voir Lausanne devenir la capitale romande de la nuit. Cela amènera d’autres problèmes et d’autres solutions, on y reviendra. Les années 1990, donc, voient la naissance de plusieurs lieux et clubs.
Créé en 1992, le Bleu Lézard a très vite intrigué la population lausannoise et a attiré dès le premier jour une foule hétéroclite de gens de tous âges et toutes conditions sociales, de tous styles et modes de pensée qui y ont apprécié un certain retour à la vie sociale du bistrot, un peu oubliée. Petite sœur underground du Bleu Lézard, la Cave du Bleu est née en 1994. Située au sous-sol, on y accède par un escalier en colimaçon. Arrivé dans l’antre, l’atmosphère y est magique. La Cave a vu passé de nombreux noms de la production musicale des 20 dernières années, des noms fièrement affichés sur le mur de l’entrée. Une animation riche et variée y est proposée tout au long de l’année contribuant ainsi à la vie culturelle de la Ville. La ligne artistique musicale, exprimée au travers d’une programmation de concerts – locaux, régionaux et internationaux – s’est toujours voulue ouverte à toutes les tendances, du rock à l’électro, en passant par la chanson et la world.
Toujours dans les années 1990, l’exploitant de la quasi-totalité des salles de cinéma de l’époque, Metrociné, commence à les fermer une à une. Ces salles, souvent des écrins, donneront naissance à des projets magnifiques (la Salle Métropole, par exemple) ou plus banals (le cinéma Atlantic devenu une Migros). Dans cette vague, trois salles de cinémas auront un impact sur la vie nocturne lausannoise : l’ABC, le Bourg et le Romandie.
Ancien théâtre du début du siècle passé reconverti en cinéma (l’ABC, donc) puis en club, le D! Club a vu le jour le 19 octobre 1996. Il est devenu au fil des ans une entité de référence pour le clubbing de qualité en Suisse. On y retrouve aussi bien les plus grand DJs des musiques électronique, house et minimale, que des découvertes ou artistes en devenir, sans compter les nombreux concerts. Le balcon de l’ancien cinéma s’est mué quant à lui en club dans le club. Avec un système de vitres coulissantes, il peut offrir en plus de sa vue plongeante sur le dancefloor principal, une deuxième ambiance avec son propre DJ : l’Abc est donc le petit frère du D ! Club. Il a sa propre ambiance, plus chaleureuse et chic, directement ouverte sur le Grand Pont, par l’entrée du défunt cinéma. Pas vraiment un club, pas vraiment un bar, mettant en avant son ambiance.
Un peu plus loin, dans la rue de Bourg, se trouve la salle du même nom. Il s’agissait là aussi d’un cinéma, d’abord l’Apollo, puis le Bourg-Sonore, premier cinéma parlant de Lausanne. Le cinéma n’est plus, mais le lieu n’est pas mort. Il abrite désormais le café-théâtre du Bourg, salle atypique située au-dessus d’un restaurant, qui accueille plusieurs fois par semaine des concerts, vernissages, spectacles d’improvisations et autres. Le Bourg n’a pas perdu de sa superbe : la salle est un délice intime et les anciennes tapisseries de tissus de velours rouge baronnent encore sur ces murs centenaires.
Mais revenons à l’association …e la Nave Va. En 2004, elle réussit à lancer un nouveau club rock, 5 ans après l’acte de décès de la sulfureuse Dolce Vita, dans les locaux d’un ancien cinéma, encore, le plus grand de Suisse Romande, sur une place toute aussi grande, le Romandie. Le club fonctionnera là pendant 4 ans, avant de déménager sous deux arches du Grand-Pont, fini le cinéma, salut les vieilles pierres. Depuis 2008, le Romandie est donc une crique de pierres et de sueur abritant et défendant la scène rock, internationale comme locale. La roche y est encore brute, enrichie par endroit de fer et de lumière. Le succès est à nouveau réjouissant et l’architecture du nouveau lieu, bénéficiant d’un cachet incroyable, en fait une salle de concerts reconnue, attractive et très courue. Toujours mené par une association bénévole, à l’exception de quelques postes à temps partiel pour la programmation, l’administration et la communication, Le Romandie prouve le dynamisme d’une équipe désintéressée, passionnée et investie dans la scène alternative et les musiques actuelles, avec un comité d’organisation d’une quinzaine de personnes, un staff bénévole de près de cent rockeuses et rockeurs au service d’un public large, fidèle et enthousiaste.
A la même époque, quelques rues plus loin, quelques passionnés commencent à proposer quelque chose de nouveau à Lausanne : un club 100% électro. La réussite de la Ruche est fulgurante et inscrit le club dans les hauts lieux de la musique électronique en Suisse. Mais le quartier, plutôt résidentiel, amènera bientôt la Ruche à déménager…
Avant ça, se créée en 2011 dans la Vallée du Flon un nouveau lieu culturel, intimiste, quasi-familial, ayant l’ambition de proposer à la population lausannoise des rendez-vous culturels hebdomadaires réguliers. Ces évènements intimistes sont l’occasion de compléter l’offre culturelle proposée sur la ville. Des expositions de photographies, de peinture, des pièces de théâtre, des concerts-rencontres seront au programme. Le projet de la Datcha est né de deux architectes et d’un agent artistique. Une complémentarité naturelle a permis aux membres de l’association de mener à bien cette envie commune de diffuser des artistes de qualité dans un lieu atypique, en plein cœur de la ville. L’espace, un ancien entrepôt situé au Flon, rappelle ce qu’était, il y a encore quelques années, ce quartier de la ville : une zone d’activité mixte. En effet, l’immense développement du quartier a donné priorité aux surfaces administratives ou commerciales, laissant de côté les activités artisanales, sociales et culturelles qui ont forgé l’esprit et l’histoire du quartier du Flon. Aujourd’hui la Datcha a pris toute sa place dans la vie culturelle et sociale de la ville de Lausanne et est un lieu à part, une petite maison dans la forêt.
La boucle de cette histoire lausannoise se boucle, pour le moment, en 2016. En effet, alors que les jeunes manifestaient il y a 35 ans parce qu’il n’y avait rien à foutre les nuits à Lausanne, la Ville a depuis quelques années pris des mesures pour calmer celles-ci. Une de ces mesures est de rendre certains quartiers résidentiels et de concentrer la vie nocturne en quelques endroits.
C’est notamment dans cette optique, mais également pour offrir un lieu à la dimension de sa réputation, que la Ruche décide de déménager à la Riponne en 2016 et de changer de nom dans la foulée : c’est désormais le Folklor. En effet, plutôt que de simplement déplacer la Ruche, l’équipe de celle-ci a voulu transposer son esprit dans un lieu d’un nouveau genre. L’architecture est soignée, pensée, le son est de grande qualité et les DJ-sets se font entièrement avec des vinyles. Ainsi, la Ruche grandit, se transforme, en gardant son esprit et en y amenant de nouveaux éléments.
La vie culturelle lausannoise est aujourd’hui riche et variée. Des anciens cinémas, des arches, des locaux souterrains, mais aussi des maisons dans la forêt. Ces lieux proposent autant du rock, que de l’électro, de la chanson française ou de la pop. Ils ont cependant ceci en commun qu’ils proposent chaque semaine à la population lausannoise et romande un échantillon, un instantané de la musique d’aujourd’hui, de notre époque. C’est cet esprit que Prémices souhaitent mettre en avant sur une journée, le 13 mai, en respectant le caractère et l’ADN de chaque lieu, son histoire et ses particularités.
En clôture, on parlera enfin des lieux qu’on aurait pu avoir cette année, mais qui ne sont que partie remise : les Docks, bien entendu, un peu trop grand pour notre première édition, mais également le Chorus, déjà occupé cette soirée, ou Sat et Zelig, sur le campus, un peu éloignés physiquement, mais très proche dans la musique.
On se voit donc le 13 mai 2017 aux Prémices pour en parler!
Scènes du festival: Abc, Bleu Lézard, Bourg, Datcha, Folklor et Romandie