Weekend de l’Ascension, grand soleil annoncé, quelques bouchons plus loin, nous arrivons à Lyon pour des Nuits Sonores que nous espérons mémorables. L’avantage avec un festival à Lyon, c’est que d’une part c’est pas loin et d’autre part on sait qu’on mangera bien. L’inverse de Coachella en somme.
La première soirée commence par un bon restau justement, terrasse en ville, puis nous partons en direction du quartier de la Confluence, au Sud de la presqu’île, vaste projet urbanistique encore en cours. Au milieu des travaux, restent encore, pour un an, les bâtiments de l’ancien Marché de Gros, vastes halles de métal. Le site est très beau et ça fait plaisir de s’y balader, passant d’un espace à l’autre dans une excellente ambiance. On commence par prendre nos marques et papillonner d’un endroit à l’autre : Turzi dans la halle 1, The King Kahn & BBQ Show dans la 3, boire un coup ou deux, etc. Vers minuit, on décide d’aller voir Peaches. Des masques et des chapeaux en forme de vulve, une veste en fourrure rose, de la musique qui tape, dans une veine electro-pop à tendance trash, ça semblerait bon. Malheureusement, quelques trucs viennent ternir la soirée de la Cananado-berlinoise. Tout d’abord, cette habitude, qu’on retrouve de plus en plus, de venir avec des danseurs (très bien), mais aucun musicien, ni DJ (pas bien). En gros, quand un titre est terminé, on redescend à l’arrière de la scène pour en lancer un autre, comme on changerait de K7 pendant une boum (oui, j’ai grandi dans les 80’s). Alors dans son cas, ça marche sur certains titres, parce qu’elle est elle-même DJ, mais lorsqu’elle chante, danse, bouge, debout sur la scène, elle ne peut pas encore mixer à l’arrière. Du coup y a de nouveau cette impression un peu légère d’un playback orchestre un peu chiant. Ensuite, au-delà de cette question, on constate que l’énergie aperçue il y a quelques années lors de son passage au For Noise s’est perdue quelque part en route. C’est un peu mou et un peu banal tout ça. Bref, on n’est pas convaincu et on finit par bouger un peu plus loin. Halle 1, on assiste alors stupéfaits au live des Berlinois de Pantha du Prince. Que dire ? C’est beau visuellement, dans une atmosphère sombre et mystérieuse, c’est fascinant musicalement, avec des variations longues et subtiles, l’endroit est par ailleurs parfait pour ce live, excellent. Il nous vient ensuite l’idée de continuer la soirée au Sucre, l’autre lieu du festival, au Sud de la presqu’île, ne comprenant que devant la porte de celui-ci que notre billet ne nous permet pas cette entrée. Merci la billetterie incompréhensible des Nuits Sonores qui donnent accès à tout avec des pass estampillés Nights + Days, sauf à la moitié du programme des nuits et des jours. La définition ou la traduction du jour et de la nuit n’étant pas universels et nos droits étant indiqués en petites lettres sur les billets, on ne discutera pas (en fait si, on était bourré, donc on a gueulé devant la porte pendant 1 heure), mais le sold-out du club ajoutant au désespoir, nous rentrons penaud dans notre appart, bien résolu à nettoyer cet affront au sens commun, dès le lendemain, par une journée de musique ininterrompue.
Jeudi donc, on commence notre premier « NS by Days » sur les bords de la Saône. Un endroit magnifique, du soleil, des verres, de la musique et du bonheur. On profite des différents DJ sets, menés par les excellents Motor City Drum Ensemble et The Black Madonna. La soirée est au choix, hors du Marché de Gros, des lieux à travers la ville, la 2ème nuit étant « itinérante ». On pense en faire 3-4, mais on finit par n’aller qu’au Ninkasi, lequel regroupe 3 espaces au même endroit : une salle de concert (Ninkasi-Kao), un bar (Ninkasi-Kafé), une terrasse transformée en dance-floor (Ninkasi-Terrasse). On va au concert de French 79, excellent mais très sombre en live, tout en simplicité et en suggestion. Peu de lumières, peu de variations, un truc un peu bizarre, mais assez intriguant. On bascule un peu à gauche à droite, avant de finir la soirée dehors, dans une foule qui danse sous les étoiles, un endroit un peu improbable, au milieu de la nuit lyonnaise. Autant te dire que la police te laisse pas faire ça, de la musique à fond jusqu’à 5h du mat, à Lausanne ou Genève. Mais t’es à Lyon, ça passe easy. Super soirée, ambiance excellente. Seul regret : on aurait voulu voir d’autres endroits. Ça sera pour une autre fois.
La journée du vendredi est consacrée à Laurent Garnier et à ses potes. La grande salle de la Sucrière lui est entièrement dédiée pour une journée qui sent le soleil et les potes. On croise des gens improbables : un mec qui gerbe à 15h puis s’endort à 5 cm de son exploit avant de repartir ragaillardi, un vieux qui danse comme un taré en levant les bras, un groupe qui se ballade avec un ballon requin comme point de ralliement… On se pose sur le gazon, on profite du moment. En vrai, on se prépare au soir, parce que le soir y a du lourd. Après un autre super restau, on débarque à temps pour Weval dans la halle 1 : rythmé et cool, le duo hollandais envoie pas mal. Je me rappelle les avoir loupés à Brighton et ça fait plaisir de les voir ici, dans ce site incroyable, notamment pour leur titre Gimme Some. Le live suivant, Moderat, est manifestement attendu par tout le monde, à en juger par la foule compacte présente dans la halle. On est bien compressés, mais le duo/trio ne déçoit pas et offre une performance magnifique. C’est clair que c’est pas un show pyrotechnique ou autres conneries, mais le son est superbe et le concert fonctionne clairement. On bouge ensuite entre les halles 1 et 2, entre le DJ-set de Bambounou et ceux de Powell et J-Zbel. La soirée devient clubbing, arrosée, je sais plus par quoi on finit exactement, si ce n’est par rentrer, bien crevés de cette journée complète de musique.
La dernière journée à la Sucrière est menée par Seth Troxler, lequel amène une ambiance assez légère et marrante. On termine notre journée sur le rooftop du Sucre, à siffler des long drinks au soleil, plutôt satisfaits de notre weekend, de la musique, de la météo, de la vie en général finalement. Pour la 4ème soirée, on commence à avoir les jambes lourdes et la gueule de bois traînante. Néanmoins, on se motive pour aller tôt, afin de choper le début de soirée rock que festival propose. Autant dire qu’aux Nuits Sonores, pour du rock et à 21h45, c’est la solitude complète. On est une trentaine dans l’immense halle 1 pour les excellents Last Train. Les quatre mecs proposent un vrai concert rock, un truc de blouson noir, un machin qui envoie. Malheureusement un peu isolés dans cette grande halle quasi vide, le show est malgré tout à la hauteur et on n’est franchement pas déçu. C’est clairement un groupe à suivre. Quelques instants plus tard, débarquent les 3 meufs de The Coathangers (oui, les porte-manteaux donc). Superbe énergie encore une fois, on retrouve le rock tel qu’il revient en ce moment, rugueux, puissant, excitant. Une preuve que les NS savent choisir leurs groupes de rock. On bouge ensuite pour aller voir A-Wa. Autant le dire, en général ces machins world-fusion, c’est pas trop mon truc. Mais là faut reconnaître que c’est très beau, hyper dansant et carrément contemporain. Y a quelque chose de quasi-hiphop, très pop et en même temps ancestral dans la façon que ces trois sœurs chantent en arabe. Un super concert donc, à voir si vous le pouvez. On enchaîne ensuite la soirée avec Max Cooper. Si vous ne connaissez pas, le Londonnien est une baffe dont vous ne pouvez pas vous passer. Quand on pense qu’il passe avec Moderat au MJF, c’est clairement une soirée impérative. Accompagné de visuels sublimes, le set ou le live, selon le point de vue, est simplement sublime. Il y a quelque chose de Jon Hopkins dans ce qu’il fait et c’est pas le moindre des compliments. Peut-être le meilleur concert du weekend.
Dimanche, dernier soir, le site est déjà à moitié démonté, tout le monde à 15-20 ans de plus que la veille, on arrive pour le dernier concert, du post-rock à la dure, Mogwai. Les Ecossais jouent leur dernier album, lequel est repris de la BO d’un doc sur l’arme atomique, diffusé en Angleterre en 2015. La combinaison entre le visuel incroyablement puissant, parfois choquant, du film, la musique terriblement puissante, le lieu cathédralesque de la halle 1 et les voix du film, rendent un show complet et entier, duquel on ne peut rien enlever. Pas même le moment d’applaudir, ni d’aller pisser ou de prendre un verre, on est scotché pendant 1h30, complètement subjugués. Après ce moment hors du temps, on est prêts à partir, la pluie commence à tomber, le festival est vide. Il quittera son site l’an prochain, celui-ci étant appelé à être démoli. On se réjouit donc de revenir, forcément ailleurs, pour ce festival qui investit tout sa ville pour un long weekend, qui lui donne une autre dimension.