Cannes 2016 | Ma Loute

Bruno Dumont repousse les limites de l'absurdité.

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Ma Loute - Image droits réservés - © Arte

Bruno Dumont a opéré un virage artistique depuis son excellente série P’tit Quinquin. Avec Ma Loute, il revient avec un sujet semblable, mais bien plus loufoque que le premier cité. Cette fois-ci, Dumont pousse le curseur loin, très loin.

Tout débute en 1910, dans la Baie de Slack située au Nord de la France. De mystérieuses disparitions mettent en émoi la région. C’est alors qu’entre en scène l’inspecteur Machin, secondé par Malfoy. Les deux comparses mènent l’enquête – dans un style particulier – et se retrouvent au coeur d’une romance aussi étrange qu’improbable entre Ma Loute, fils aîné d’une famille de pêcheurs et Billie, issue de la famille bourgeoise Van Peteghem.

Comment qualifier cette nouvelle oeuvre exubérante de Bruno Dumont. Les adeptes du cinéaste français seront ravis de savoir que le réalisateur n’a rien perdu de son univers fantasque. Ma Loute est peut-être l’oeuvre la plus saugrenue venant de Dumont, ne reculant devant rien, laissant libre cours à son imagination.

Si l’histoire se centre sur cette curieuse histoire d’amour entre Ma Loute (Brandon Lavieville) et Billie (Raph), deux jeunes gens que rien ne semble rapprocher. Malgré les différences sociales, la saucer prendra au grand dam des Van Pethegem. Mais ce qui nous intéresse – et Bruno Dumont -, c’est de brosser le portrait des protagonistes. À commencer par les Van Peteghem, des bourgeois caricaturés, aussi déjantés que le métrage.

Casting furieusement détraqué

Juliette Binoche qui chante à tue tête, Fabrice Luchini cambré et idiot comme jamais, et Valeria Bruni Tedeschi angoissée et lunatique. Les Van Peteghem sont peu fréquentables, ils sont le stéréotype du bourgeois allumé et condescendant. La seule à peu près normale – et encore -, c’est Billie. Jeune fille qui se plait à se déguiser en garçon, qui cherche à s’émanciper, à s’échapper de cet univers familial. C’est via Ma Loute que la jeune fille parvient à trouver une échappatoire.

Fabrice Luchini dans ses oeuvres - Image droits réservés - © Arte
Fabrice Luchini dans ses oeuvres – Image droits réservés – © Arte

Comme dans P’tit Quinquin, Bruno Dumont accorde une part importante aux forces de l’ordre. Dans Ma Loute, la figure policière, c’est Alfred Machin – délicieusement joué par Didier Despres – qui mène l’enquête tant bien que mal. Accompagné de son acolyte Malfoy (Cyril Rigaux), Machin est bien en chair, si bien qu’il tombe – et roule comme un tonneau – quand il inspecte les scènes de crime…de près. Véritable mascotte du film, l’inspecteur est d’une extrême bêtise, mais à mourir de rire. La trame humoristique prend l’ascenseur grâce aux apparitions successives du gros policier dont le langage est souvent incompréhensible.

Pour rajouter une couche, la famille de Ma Loute s’adonne au cannibalisme. Ô quel tableau morbide et électrique Bruno Dumont nous dessine. Narration outrancière et mise en scène décapante, Ma Loute excelle aussi visuellement. Dumont nous expose une riche palette de couleurs, concordant parfaitement avec l’univers excessif imaginé par le Français.

Un poil trop long, peut-être un peu répétitif, Ma Loute reste une oeuvre majeure dans la filmographie du cinéaste. Une lutte des classes survitaminée, où l’excès, voire l’inceste nous renvoient à une comédie où l’humour n’a jamais été autant absurde.

Ma Loute | Bande-annonce

Fiche technique :

Réalisé par : Bruno Dumont
Date de sortie : 13 mai 2016
Durée : 2h02min
Genre : Comédie dramatique
Pays : France, Allemagne
Scénario : Bruno Dumont
Photographie : Guillaume Deffontaines
Distributeur suisse : Praesens Film

Casting :

Juliette Binoche
Valeria Bruni Tedeschi
Fabrice Luchini
Jean-Luc Vincent
Brandon Lavieville
Raph
Didier Despres
Cyril Rigaux
Laura Dupré