Cannes 2016 | Juste La Fin Du Monde

Le portrait familial imprévisible de Xavier Dolan.

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Juste La Fin Du Monde - Image droits réservés - © Diaphana Distribution

Le retour de Xavier Dolan était l’événement de ce Festival de Cannes 2016. Attendu comme jamais par la presse spécialisée, Juste La Fin Du Monde pouvait compter sur un casting extraordinaire, et la présence d’un réalisateur à la patte prodigieuse derrière la caméra. Le prodige canadien était attendu de pied ferme.

Adapté de la pièce de Jean-Luc Lagarce, l’histoire nous conte le retour auprès des siens de Louis (Gaspard Ulliel), un auteur qui a déserté depuis plus de 12 ans à l’étranger. À son retour, il retrouve son frère Antoine (Vincent Cassel), Suzanne (Léa Seydoux), Catherine (Marion Cotillard) et Martine (Nathalie Baye), sa mère. Débute alors une réunion familiale sous haute tension.

Le portrait familial que Xavier Dolan met en scène est une véritable bataille morale. Comme il sait si bien le faire, le Canadien pousse à l’extrême son cinéma. Atmosphère tendue, voire irrespirable – la canicule et les visages transpirants des protagonistes intensifient cette sensation -, Juste La Fin Du Monde est une vive dispute familiale répartie sur 1h36. Un laps de temps où Dolan magnifie le tableau familial, le décortique, le maltraite à un point que nous en sommes nous-même bousculés. Tout est sourire, regard, posture, paroles assassines. Les retrouvailles se transforment en face-à-face brutal baigné dans une photographie hallucinante de beauté.

Dolan sublime son excellent casting

Ne nous voilons pas la face, Dolan fait du « Dolan ». Avec ce casting hors norme, le cinéaste de 27 ans intensifie son travail en reprenant les codes qui font de lui un réalisateur à part entière. C’est-à-dire des tubes kitsch, des plans serrés, des flashbacks, du champ contre champ, de l’hystérie, des cris et de l’émotion à n’en plus finir. À partir de là, les ingrédients sont réunis pour concocter un cocktail détonnant. Ajoutons à cela des acteurs qui sous la direction du canadien excelleront dans cette réunion familiale à l’atmosphère électrique.

Des retrouvailles houleuses - Image droits réservés - © Diaphana Distribution
Des retrouvailles houleuses – Image droits réservés – © Diaphana Distribution

Prenons Gaspard Ulliel. L’interprète de Louis nous saisit par son regard profond et innocent, qui semble spectateur d’une famille qui apparait comme des étrangers à ses yeux. Il se retrouve maltraité par son grand frère Antoine – Cassel est au sommet de son art – qui semble enfouir une terrible jalousie, mais surtout une colère profonde liée au départ de Louis. Antoine laisse transparaitre une certaine infériorité et n’hésite pas à la moindre occasion d’invectiver son frère – une scène, le point d’orgue du film, montre Antoine prêt à frapper son propre frère. Les disputes sont légion, les vulgarités pleuvent, les personnages semblent proche de la saturation. Spectatrice de cette réunion houleuse, Catherine – Cotillard pleine de justesse – ne sait sur quel pied danser. Elle gamberge, cherche ses mots, elle transpire le malaise devant sa belle-famille. Suzanne – Seydoux à l’image du casting -, elle, défend Louis bec et ongles, qu’elle perçoit comme l’exemple à suivre. Elle le chérie et l’admire profondément. Reste Martine, dont Nathalie Baye campe idéalement une maman quelque peu idiote en apparence mais loin d’être déboussolée. Sous ses allures de mère naïve, Martine est une femme qui contemple l’étendue de la cassure familiale avec intelligence.

Martine (Nathalie Baye) et Louis (Gaspard Ulliel) retrouvent une certaine complicité - Image droits réservés - © Diaphana Distribution
Martine (Nathalie Baye) et Louis (Gaspard Ulliel) retrouvent une certaine complicité – Image droits réservés – © Diaphana Distribution

Juste La Fin Du Monde est une partition excessive, voire un peu forcée. Mais rien ne remplace l’expression que Dolan insuffle à son oeuvre. Il n’hésite pas à aller au bout de son traitement, à le pousser loin, très loin, sans tomber dans la caricature. Cette fresque familiale nous entraine dans une profonde mélancolie, où les non-dits accentuent le sentiment de voir des membres d’une même famille se déchirer pour enfin comprendre le raisonnement de l’autre. Personne ne se comprend, les barrières sont telles que l’harmonie n’est qu’un terme obscur et superficiel. Louis s’en aperçoit vite, lui qui est timide et taiseux, et dans ce marasme il lui est impossible d’expliquer la raison de sa venue surprise…

Tout est multiplié avec Xavier Dolan, tout. Avec Juste La Fin Du Monde, le québécois délivre un métrage saisissant qui malgré quelques failles, reste un film intense et sensible.

Juste La Fin Du Monde | Bande-annonce

Fiche technique :

Réalisé par : Xavier Dolan
Date de sortie : 21 septembre 2016
Durée : 1h36min
Genre : Drame
Pays : Canada, France
Scénario : Xavier Dolan, Jean-Luc Lagarce
Photographie : André Turpin
Musique : Gabriel Yared
Distributeur suisse :

Casting :

Gaspard Ulliel
Marion Cotillard
Vincent Cassel
Léa Seydoux
Nathalie Baye

REVIEW OVERVIEW
Note :
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Journaliste culturel. Ex Italic Magazine et ravagé de l'écran.