Primo, Black Panther n’a rien à voir avec le mouvement de lutte pour les droits de la communauté afro-américaine, créé dans les années soixante par Stan Lee, T’Challa est le prince héritier de la nation fictive du Wakanda. Un Etat africain qui apparaît volontairement aux yeux du monde comme un pays en voie de développement ravagé par la famine et la misère, tout ceci pour protéger un secret séculaire: le Wankanda a été bâtit sur un gisement inépuisable de vibranium, le métal indestructible dont est composé le bouclier du Captain America. Ce qui en fait de facto la nation la plus riche du monde. Un Eldorado qui attiserait les convoitises, c’est pourquoi le Wakanda évolue en complète autarcie, sur un continent gangréné au choix par la maladie, les guerres civiles, la pauvreté ou une combinaison des trois. Car contrairement aux autre nations africaines dont le sol regorge de matière premières, les colons ne sont jamais arrivés jusqu’au Wakanda. Après avoir fédéré les cinq tribus sous une seule bannière, les richesses du royaume ont pu profiter au seul développement économique et technologique du Wakanda jusqu’à atteindre un niveau utopique sorti tout droit d’un épisode de Star Trek.
De la science-fiction ce que l’on vous raconte? De l’afro-futurisme pour être plus précis. Ce rêve que partagent plus ou moins en secret bon nombre de personnes de la communauté: un univers dans lequel les frères et soeurs seraient affranchis de la guerre et la misère afin de prendre la pleine mesure de leur potentiel.
Un doux rêve que la paisible nation du Wakanda semblait avoir réalisé. Le brusque décès du souverain T’Chaka précipitera la succession de son fils T’Challa et plongera le royaume dans une période de troubles dont les nombreux ennemis de la couronne comptent bien profiter.
Aux USA le mois de février est dédié à l’histoire afro-américaine, le Black history month, une période où n’en déplaise à Morgan Freeman, on célèbre l’héritage africain autour des figures emblématiques de la communauté. Une période qui coïncide avec la sortie du film, l’occasion étant trop belle pour ne pas la saisir. Black Panther est une fête, une fête où les femmes et les hommes noirs se tiennent fiers et dignes, vêtus de parures hautes en couleurs en toute occasion pour ne pas passer inaperçus, au Wakanda tout le monde est sur son 31, trois cent soixante-cinq jours de l’an.
Black Panther n’est pas le dernier film hollywoodien sur des esclaves affranchis ou des femmes de ménages qui nous décroche une larme et qui emplissent de culpabilité des générations de blancs qui se sentent obligés d’émettre un avis positif et se désolidariser des atrocités de l’histoire comme on le demande aux musulmans après chaque attentat perpétré dans le monde occidental. Black Panther apporte ainsi un vent de fraîcheur ô combien précieux à tous points de vues: un casting noir comme la nuit à 99%, Martin Freeman et Andy Serkis étant poliment invités à la fête, on y retrouve le gratin hollywoodien où se cottoient des légendes et des étoiles montantes, de Chadwick Boseman à Angela Bassett, de Forest Whitaker à Lupita Nyong’o, la star du succès planétaire Get Out Daniel Kaluuya, ou encore Danai Gurira de Walking Dead. En bref, si vous n’avez pas été invité, il est temps de changer d’agent mesdames, messieurs.
Structuré à la manière d’une tragédie Shakespearienne sur fond de lutte pour le trône, Michael B. Jordan incarne Erik Killmonger, descendant de Wankandais exilés du royaume pour avoir dit tout haut ce que les spectateurs penseront tout bas: « pourquoi le Wankanda ne partage-t-il pas ses ressources avec ses soeurs et frères qui meurent depuis des siècles dans l’indifférence et l’injustice la plus crasse? » Un questionnement qui tiraillera également T’Challa, partagé entre ouverture sur le monde dans une approche plus moderne de gouverner, et le respect de tradition ancestrales qui ont fait leurs preuves jusque là. Killmonger distillera quelques punchlines dont un uppercut magistral à une « experte » en art africain dans une galerie d’art, tout simplement grandiose.
Black Panther ne réinvente toutefois pas la roue, la faute à une formule Marvel qui s’épuise et nous épuise, au hasard: l’antagoniste dont les pouvoirs sont identiques à ceux du protagoniste (encore). Les fonds verts parfois à la limite du risible dans la version 2D, sont autant de détails qui viennent gâcher la fête. On pourrait également reprocher à ces acteurs quasiment tous américains de sur-jouer leur accent africain et tomber malheureusement dans la caricature. Que reste-t-il objectivement à Black Panther sous la couche de coolitude que le film nous sert à la louche à force de morceaux issus de sa bande son signée Kendrick Lamar, des checks entre T’Challa et sa brillante soeur cadette Shuri, des costumes colorés, de la garde royale intégralement composée de femmes guerrières aussi gracieuses que dangereuses, des effets spéciaux et des poses d’animé du club Dorothé? Un premier film ambitieux porteur d’un message d’espoir pour des générations de bambins et sûrement annonciateur d’un vent nouveau.
Le dernier né des écuries Marvel Studios n’est peut-être pas le meilleur qu’ils aient jamais produit, il n’empêche qu’il demeure actuellement celui qui a le plus de choses à dire. Un film politique et politisé avec des vérités qui ne plairont pas à tout le monde, mais qui empliront de fierté le coeur de millions de spectateurs.
Black Panther
Réalisé par: Ryan Coogler
Scenario: Ryan Coogler/Joe Robert Cole
Durée: 134 min
Genre: Action, science-fiction, aventure
Sortie le: 14 février 2018
Interprétation
Chadwick Boseman
Michael B. Jordan
Lupita Nyong’o
Letitia Wright
Forest Whitaker
Angela Bassett
Martin Freeman
Andy Serkis
Daniel Kaluuya
Danai Gurira
Winston Duke
Sterling K. Brown
Equipe technique
Photographie: Rachel Morrison
Musique: Ludwig Göransson
Montage: Debbie Berman/Michael P. Shawver
Direction artistique: Alan Hook
Costumes: Ruth E. Carter