Algiers & Louis Jucker – Le Romandie

1
2578

 Mercredi 8 Juin 2016, j’ai eu la chance d’assister au concert des talentueux Algiers, groupe rock, soul mais pas que, venu tout droit d’Atlanta «le noyau pourri des Etats Unis du Sud» comme ils le décrivent. Il y avait aussi en première partie le très prometteur Louis Jucker, l’enfant du pays. Le tout au Romandie, un club à tendance rock, crée par une assos’ à but non lucratif et géré par des mélomanes plus avides de bons sons que d’oseille.

Un dépucelage total pour moi qui ne connaissais ni la Suisse, ni le Romandie, ni l’un des deux groupes présents. Après 2h30 de route, petit tour du pays oblige: je prends un thé au café de Grancy, une brasserie mi branchouille mi hipster avec jolie vue sur le lac puis quelques succulentes tapas et mojito bien corsé au Café Saint Pierre.

21h00 je me dirige vers le lieu du show et pour une première, la surprise est bonne. Après avoir passé le pas de la porte et arpenté de sombres escaliers, je découvre le lieu atypique et très rock and roll qu’est le Romandie. Niché sous les arches du Grand Pont de Lausanne,  les murs sont en pierres brutes, le toit voûté et les lumières fumeuses donnent un aspect underground au club. Je suis agréablement surprise par la taille de la salle, plutôt petite, idéale pour ressentir au mieux les vibrations d’un concert. Je bois des bières et chill quelques temps au bar en attendant la première partie.DSC_6856

Quelques minutes plus tard, un son de guitare se fait entendre et je me dirige vers la salle adjacente au bar. La lumière est ultra tamisée et j’arrive à peine à percevoir la scène toujours vide. J’entends  pourtant de la musique et décide de m’approcher un peu plus. J’aperçois alors Louis, pieds nus devant la scène, grattant doucement les cordes de sa guitare carrée.

Chanteur folk un peu fou, cheveux longs et barbe de 30 jours, Louis à l’air dans son monde. Seul avec sa guitare, un piano à pouce, une pédale loop et sa voix transcendante, il décide de nous offrir un concert simple en toute intimité. En quelques minutes, il me transporte sur une montagne à la «Into the Wild» tel Alexander Supertramp jouant face à son public assis tout au tour de lui. Il ne manque plus que le feu de bois et les chamallow pour planter le décor. Avec son set d’une dizaine de chansons, tantôt douces, tantôt fougueuses, je suis submergée par cette authenticité incroyable qui se  dégage de lui. Un style épuré, parfois fragile qui apaise et adoucit les mœurs.

DSC_6853
Louis Jucker/ Tous droits réservés/ Anaïs Bréda

Après cette première partie tout en douceur, c’est au tour d’Algiers d’entrer en scène. Quelques mois plus tôt, on les retrouvait à Coachella et ce soir c’est devant une centaine de personnes qu’ils feront le show. On m’avait prévenu qu’ils étaient bons et à peine arrivés sur scène, je suis sidérée par le charisme fou qu’ils dégagent.

Leur style est mutant, passant du rock à la soul, mélangeant le gospel au blues, le tout dans une énergie déconcertante. Un mélange de genres volontaire, comme un moyen de renoncer aux conventions débiles qui mettent dans des cases la musique pour «Blacks» et celle pour «blancs». Le tout est bien travaillé, subtile, sublime. Franklin James Fishers, nous délivre sa voix lumineuse et sombre à la fois; une voix qui vient de l’âme et qui déchire les cœurs. Les textes sont engagés et sentent le vécu. Ryhan Mahan, le bassiste/pianiste au déhanché Hip-hop nous envoie du rêve avec des chorégraphies improbables qu’il réalise en même temps qu’il pianote sur sa basse, le son est fort et les cordes tapent. Lee Tesche, le guitariste, un peu plus réservé, nous offre le son crissant de sa guitare qu’il caresse avec un archet. La musique est désinvolte, le moment est beau et authentique. Le trio tapent des mains et des pieds pour accompagner le son rythmé de Matt Tong (ex batteur de Bloc party) qui les accompagne spécialement pour leur tournée de concert. C’est dans une ambiance endiablée que le groupe danse en trans’, se donnant corps et âme pour retransmettre chacune des mélodies, chacune des paroles de leurs chansons. Le concert passera à une vitesse folle se terminant sur la très célèbre «Blood», hymne mythique de leur premier album, dénonçant la ségrégation, contre laquelle le groupe américain se bat depuis toujours. L’interprétation de «Blood» son rythme poignant, sa guitare pleurante, ses chants gospel en fond, me prend aux tripes et me plonge instantanément dans un monde sombre fait d’inégalité et de souffrance. On a envie de se révolter avec eux et on tape des mains au même rythme que le tambourin magique que Franklin agite, comme pour soutenir leur cause et exorciser le mal et puis les dernières notes se font sentir, à mon grand regret.

Un concert court mais intense qui m’a persuadé d’une chose: l’un des futurs grands groupes vient de se produire devant mes yeux et je suis chanceuse d’avoir vécu ce moment.

Algiers avant le concert / Tous droits réservés /Le Romandie

Anaïs Bréda

PS: à voir absolument, ce superbe live d’Algiers sur KEXP.