Diffusé en exclusivité sur Canal + Cinéma, le jeudi 19 mai.
Pour son premier film, Natalie Portman nous emmène dans une adaptation des mémoires d’Amos Oz. Une histoire qui englobe la période de la création de l’Etat d’Israël et l’éducation du petit Amos, un enfant qui témoigne d’une sensibilité et d’une vision plus évoluée que la moyenne. Dans la ville de Jérusalem, nous suivrons l’éducation du jeune Amos et ses tracas familiaux.
En tant qu’actrice, Natalie Portman n’a plus rien à prouver. Auréolée d’un Oscar pour sa performance dithyrambique dans Black Swan, Portman campe Fania dans sa propre réalisation. Pour sa toute première fois derrière la caméra, l’actrice israélo-américaine tente un pari audacieux avec A Tale of Love and Darkness. Un film – tourné en hébreux – qui se devait d’être minutieux et réfléchi pour ne pas verser dans l’oeuvre mélodramatique et vide de sens.
Terriblement poétique et idéaliste, A Tale of Love and Darkness possède une délicieuse mélancolie. Tourné de manière contemplative, l’oeuvre de Portman insère une véritable portée politique – la lutte pour la liberté juive – en laissant une certaine distance avec la poésie des mémoires d’Amos Oz. À travers le regard de cet enfant, le récit emploie deux visions bien distinctes. Si l’histoire nous est racontée par Amos Oz (Amir Tessler), l’importance de Fania (Natalie Portman), la mère, est primordiale pour évaluer la rudesse de cette époque. Une femme intelligente et belle, prisonnière d’un climat politique extrêmement lourd et incertain, luttant corps et âme face à la mélancolie qui la gagne petit à petit. Cette femme, Fania, définit le titre du métrage à elle toute seule. L’amour qu’elle porte à son enfant, le plaçant au centre de sa vie, et les ténèbres, cette face sombre de sa personnalité, tissant une toile obscure s’emparant méthodiquement d’une mère déboussolée et fatiguée de végéter dans un monde hasardeux. Là se trouve la poésie de A Tale of Love and Darkness, doté d’une force poétique et esthétique qui enveloppe, d’un manteau sensible, une oeuvre particulièrement sombre, intensifiée par les compositions de Nicholas Brittel.
Fania se retrouve paralysée par son existence, malgré le réconfort de Oz et de son mari, Arieh (Gilad Kahana). Sur fond de climat politique électrique, A Tale of Love and Darkness est délicat, tant dans son développement que dans son traitement. Natalie Portman réussit, avec une étonnante maturité, à nous démontrer tout son talent de cinéaste.
Quand on évoque ses inspirations pour réaliser son premier film, Natalie Portman nous dit :
« J’étais très chanceuse de travailler avec Slawomir Idziak (ndlr : le directeur de la photographie) qui a travaillé avec Krzysztof Kieslowski. Il a vraiment été important dans le cheminement et le traitement du film. Il a été très important pour les dialogues, les couleurs. Ce fut mon mentor et j’ai été très chanceuse de travailler avec cet homme-là. À propos de mes inspirations, je dois beaucoup à Terrence Malick pour le travail de l’image, du son et du feeling. J’ai été chanceuse de travailler avec Malick avant de réaliser mon propre film, parce que le processus fut vraiment différent pour moi. Il est tellement libre dans sa manière de réaliser et son travail que ce fut une expérience bénéfique pour mon futur en tant que cinéaste. »
« À propos de mes inspirations, je dois beaucoup à Terrence Malick »
Outre le fait qu’elle fut fascinée par son expérience avec l’extraordinaire Terrence Malick (ndlr : dans Knight of Cups, dernière oeuvre du mystérieux cinéaste), Portman nous évoque son amour pour les livres et pour le best-seller d’Amos Oz.
« Les livres m’influencent beaucoup, voire plus que les films. Oz est un des plus grands écrivains, c’était un artiste. Il est aussi une figure emblématique politique, il est la voix de la paix (ndlr : Oz est le co-fondateur du mouvement de La Paix maintenant). Son art est pur, sa politique est pure elle-aussi. C’est une personne unique. Bien sûr, je suis fan de Léon Tolstoï ou encore Anton Tchekhov, pour ne citer qu’eux. »
Quand nous lui demandons, de par son film à l’ambiance poétique et mélancolique, qu’un premier film aussi risqué ne dénotait pas un désir profond ou un passage obligé en tant que réalisatrice.
« Ce n’était pas nécessaire pour moi. Ce film est une vision très personnelle », précise-t-elle.
Si Natalie Portman confirme que le tournage fut la chose la plus aisée à faire, sa première expérience de réalisatrice ne fut pas toute rose, surtout en tant que femme dans le contexte américain…