J’ai toujours pensé que les films James Bond étaient bien davantage que des films d’action. Courses poursuite, explosions et combats, certes, mais depuis la reprise du rôle par Daniel Craig ce certain flair nonchalant et typically British semblait avoir disparu du radar. Le paroxysme de la violence primitive fut atteint dans Quantum of Solace, où Daniel Craig avait davantage en commun avec Jack Bauer que James Bond. Skyfall et certainement Spectre rectifient cette faute.
Spectre lance son histoire dans les ruines qu’a laissé Skyfall. M (Judi Dench) décédée, c’est Gareth Mallory (Ralph Fiennes) qui reprend le nom de code et qui non seulement doit tenir James Bond (Daniel Craig) à carreau, mais aussi faire face à la pression politique qui veut fusionner le MI5 et le MI6 (les services de renseignements intérieurs et extérieurs, respectivement, du Royaume-Uni) en une seule entité appelée le Center for National Security, menée par Max Denbigh (Andrew Scott). Suivant une ultime mission confiée par M avant sa mort, James Bond fera face à la puissante organisation SPECTRE, dirigée par le mystérieux Franz Oberhauser (Christoph Waltz). Aidé par Moneypenny (Naomie Harris) et Q (Ben Whishaw), Bond devra revisiter son passé pour combattre cette menace (omni)présente.
Oui, Spectre construit très clairement un pont vers le passé, avec dès le générique d’introduction une caméra filmée depuis le canon d’un pistolet plus « classique » que celle des trois films précédents. La démarche calme et suave de l’agent secret est de retour, lui qui ne se réduit plus à de simples empoignades et qui maintenant visite plusieurs endroits exotiques dans le monde. L’emblématique « Shaken, not stirred » fait son apparition, ainsi que plusieurs clins d’œil (et bien davantage que des clins d’œil) aux films originaux de Bond et de l’organisation SPECTRE. Faites attention au chat, par exemple.
Car il ne faut pas oublier que depuis Casino Royale, James Bond est un reboot. De se rattacher aux anciens films et aux anciens personnages serait biaiser notre jugement à propos de l’œuvre et l’univers que Disney et Eon souhaitent créer, un univers qui, pour toutes ses fautes de goût et réflexions à propos du casting, tient très solidement la route et construit quelque chose de cohérent au fil de ses réalisations. James Bond à la saveur Daniel Craig puise d’ailleurs bien mieux dans ses films passés que la période de Sean Connery par exemple. (Ne nous engageons même pas dans ce débat; Sean Connery est un meilleur Bond que Daniel Craig).
Alors certes, pour un film qui porte le nom de l’organisation, assez peu exploitée et explorée au final, son chef dispose d’un temps d’écran criminellement faible. Ayant un acteur du calibre mondial qu’est Christoph Waltz à disposition, lui qui joue un personnage si central de l’histoire, je suis grandement déçu de l’évolution du SPECTRE dans le film. Ma foi, il faut bien laisser de la place aux films futurs.
Pourtant, en parlant de développements, Spectre n’en manque clairement pas et devient une œuvre si absorbante que l’on ne remarque absolument pas passer les premières 100 minutes du film. Ralph Fiennes livre une prestation de haute volée, et remporte la palme de la meilleure réplique du film au passage, tandis que les nouvelles Bond Girls, Léa Seydoux et Monica Bellucci, sont probantes, sauf que Bellucci ne sert au final que très peu au progrès du film. Waltz pousse le concept de tourmente psychologique au niveau supérieur, tandis que Dave Batista s’en sort assez adéquatement avec une seule ligne de dialogue (spoiler : aucune Batista Bomb à travers une table à signaler. Dommage).
Gravitant autour de thèmes toujours d’actualité (cybersécurité, immigration, corruption, surveillance orwellienne), Spectre côtoie des sommets jusqu’au retour hyper prévisible du super soldat qu’est James Bond et du stormtrooper effect, ainsi que du pouvoir magique de l’amour sortant littéralement de nulle part. Les incohérences dans le montage et la continuité auront le don d’agacer les plus perspicaces d’entre nous, mais Spectre atteint très rapidement son sommet pour terminer sur une sorte d’anti-climax.
Petit mot de fin à propos du générique d’ouverture, fascinant, mais pas au niveau de Skyfall. Je pense que d’ailleurs qu’aucun n’arrivera au niveau de Skyfall. C’est Sam Smith qui contribue une chanson adéquate, mais pas transcendante, avec Writing’s On The Wall. Le titre est une expression utilisée pour décrire quelque chose d’évident qu’une personne n’a pas remarqué, comme James Bond avec le SPECTRE. Visuellement, la pieuvre du SPECTRE manipulant tant Bond que les femmes dans sa vie et ses anciens ennemis me fait penser à la peinture de Hokusai, Le Rêve de la femme de pêcheur. La touche digitale du groupe Industrial Light & Magic, fondé par George Lucas et maintenant aussi une propriété de Disney, est parfaite.
Spectre est au final une expérience réussie et surtout bienvenue dans la lignée des James Bond. Continuant dans l’atmosphère de Skyfall, je trouve presque dommage que Craig ne reste plus que pour un seul opus, maintenant qu’il se soit enfin trouvé une identité. N’oubliez pas, James Bond will return donc pour le dernier opus de Daniel Craig en tant que 007!
Noté : 4 / 5
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Bande-Annonce
Casting
Daniel Craig
Christoph Waltz
Léa Seydoux
Ben Whishaw
Naomie Harris
Dave Bautista
Monica Bellucci
Ralph Fiennes
Andrew Scott
Rory Kinnear
Jesper Christensen
Alessandro Cremona
Détails
Date de sortie en Suisse Romande: 11.11.2015
Réalisateur: Sam Mendes
Pays de production: Royaume-Uni
Durée du film: 148 minutes
Genre: Thriller / Action
(Images droits réservés)