Les images de la place Tahrir nous ont envahis en 2011, à presque en oublier le reste de l’Egypte. Mais n’est-ce pas souvent ainsi ? La Ville, avec un grand V, conçue comme le centre de tous les événements, de toutes les révoltes, fait parfois de l’ombre aux habitants des zones plus retirées, rurales, qui après tout, sont autant concernées que des capitales. Anna Roussillon redonne dans son premier long métrage une visibilité à ce « peuple », souvent ignoré par les médias.
« Je suis le peuple », suit le quotidien d’une famille d’agriculteurs égyptiens de la révolution jusqu’en 2014 lors de l’élection de al-Sissi. La réalisatrice s’installe dans un village de la vallée de Luxour, capturant espoir, déception, euphorie et questionnement de Farraj et de son entourage. Le documentaire jongle entre situations quotidiennes et exceptionnelles, des moments où les yeux sont accrochés à l’écran de télévision aux moments où chacun reprend ses activités habituelles.
D’une durée de 112 minutes, même si parfois longue, l’œuvre de Roussillon apaise et rappelle à chacun qu’il existe des endroits où le stress et l’angoisse ont une toute autre dimension. La réalisatrice casse l’image des zones rurales, dépourvues d’opinions politiques, passives face aux événements. Parfois tinté de perte d’espoir, le documentaire évite le piège du misérabilisme. « La révolution ne changera rien chez nous », des mots qui reviennent souvent. Mais malgré cela, les événements sont suivis de près, par les grands comme par les petits. Anna Roussillon, Egyptienne d’origine, rend hommage à ceux qui « sont le peuple » et qui, même si trop souvent oubliés, subissent les conséquences de mauvais gouvernements.
Magnifique documentaire qui capture le réel en allant le chercher dans ses plus beaux et cachés recoins.