Julieta, cette femme qui s’apprête à quitter la capitale espagnole quand, fortuitement, elle rencontre Bea, la meilleure amie d’enfance de sa fille évanouie dans la nature. De par cette rencontre, Julieta y voit un signe et décide de rester à Madrid, au grand dam de Lorenzo, son compagnon. C’est alors qu’elle décide d’écrire une longue lettre pour lui raconter ce qu’elle a sur le coeur. Lutte, culpabilité, destin, incertitude. Almodovar étale l’histoire d’une mère désemparée après la disparition de sa fille unique.
La matière peut sembler bouleversante, d’une telle intensité émotionnelle, que la première chose que nous faisons à la sortie de la projection, c’est de passer un appel à notre chère maman. Tout semble réuni par le maître espagnol pour développer un récit où les femmes – oui, encore une fois – tiennent une part prépondérante. Et pourtant, le cinéaste ibérique ne réussit pas à nous transporter…
L’effort est à souligner
En suivant le périple de Julieta – de sa jeunesse à notre époque -, Pedro Almodovar signe un film propre, parfaitement réalisé et sans fioritures. Malgré ça, la patte de l’espagnol n’arrive jamais à éblouir. D’une élégance et d’une justesse avec son incrustation de flashbacks pour nous décrire les déboires et les bons moments de Julieta, Almodovar synthétise la vie d’une femme ponctuée d’une immense tristesse enfouie durant des années. Un portrait croisé de plusieurs femmes qui se mélangent au gré que le film avance, sans omettre le point d’ancrage du récit : Julieta.
La dramaturgie s’intensifie, les regrets et la frustration rythment Julieta sans le ternir. Ces sentiments sont parfaitement symbolisés par deux actrices flamboyantes. Emma Suarez – la Julieta plus âgée – et Adriana Ugarte – la jeune Julieta – sont toutes deux à la hauteur, et mieux encore. Sublimées par Almodovar, ces femmes respirent l’amertume d’une vie gâchée, où les incidents semblent avoir créé un véritable malaise. Le visage fermé, la « vieille » Julieta erre dans les rues de Madrid à la recherche d’une fille, d’une femme qui ne semble plus vouloir donner signe de vie, éreintée par la pression trop constante d’une mère. Le mystère opère – mollement, disons-le – et nous invite à comprendre le dysfonctionnement entre sa génitrice et sa progéniture.
Trop lisse, trop propre
Le gros hic se trouve dans une réalisation trop lisse, peut-être pas assez osée pour un réalisateur de la trempe de Pedro Almodovar. De la mélancolie à la passion, Julieta s’avère être un film moyen, qui se déroule sur un rythme linéaire. Plusieurs thématiques telles que le pardon y sont bien décortiquées, les époques sont parfaitement « avalées » et la voix-off habite cette triste existence. Mais l’ensemble ne nous atteint pas, laissant le spectateur dans une certaine frustration qui se définit par un cruel manque de rythme. D’ailleurs, les paupières commencent à devenir lourdes.
Une oeuvre trop inégale, trop classique pour un cinéaste qui nous avait enchanté avec La Piel que Habito. Manquant de tranchant et d’instinct par moment, Pedro Almodovar rend une copie anodine. Ni bon ni mauvais, Julieta est un film qui obtient la moyenne.
Julieta | Bande-annonce
Fiche technique :
Réalisé par : Pedro Almodovar
Date de sortie : 18 mai 2016
Durée : 1h39min
Genre : Drame
Pays : Espagne
Scénario : Pedro Almodovar, Alice Munro
Photographie : Jean-Claude Larrieu
Musique : Alberto Iglesias
Distributeur suisse : Pathé Films
Casting :
Emma Suarez
Adriana Ugarte
Daniel Grao
Inma Cuesta
Dario Grandinetti
Michelle Jenner
Rossy de Palma
Pilar Castro