La guerre détruit des milliers de soldats. Avec Voir du Pays, nous découvrons deux jeunes militaires, Aurore et Marine, qui reviennent d’Afghanistan. Avec leur section, les deux jeunes femmes débarquent à Chypre, dans un hôtel cinq étoiles qui fera office de sas de décompression pour oublier la guerre. Mais il n’est pas si facile de se défaire du spectre de la guerre…
Les américains se sont souvent penchés sur le cas des soldats « oubliés » par le gouvernement. Les séquelles sont trop fortes et les poussent très souvent à l’irréparable. Les atrocités auxquelles ils sont confrontés sont ancrées et ne partent pas comme ça. Avec Voir du Pays, Delphine et Muriel Coulin mettent le doigt sur un concept bien réel, celui du sas de décompression. Mis en place par l’armée, ce traitement est employé pour « remercier » les soldats qui se sont battus au front.
Intelligemment mis en scène
Voir du Pays est avant tout une épreuve. Une épreuve psychologique qui confronte des individus marqués par la guerre, catapultés au milieu de touristes qui viennent passer des vacances. Le retour est « sec », abrupte et laisse dans le brouillard des jeunes gens encore vidés par cette expérience en Afghanistan. De ce point de vue là, Voir du Pays est une petite merveille de réalisation grâce à l’intelligence de cette immersion dans l’esprit militaire. L’approche des soeurs Coulin est parfaitement sentie grâce aux scènes de confessions, où les militaires sont (re)plongés dans les opérations auxquelles ils ont pris part. Ce système mis en place par l’armée oblige les membres de l’unité à ressasser des souvenirs qu’ils gardent au plus profond de leur être.
Créant des dysfonctionnements et des tensions au sein de l’équipe militaire, ces séances vont envenimer l’ambiance déjà bien austère et électrique. Les langues se délient, le malaise s’installe et voici que des individualités se démarquent pour laisser exploser une profonde agressivité engendrée par des opérations. Tout dégénère plus les « séances confessions » se multiplient, laissant le spectre de la guerre envahir le spacieux complexe hôtelier.
Au milieu de ces hommes, Aurore (Ariane Labed) et Marine (Soko) sont des proies faciles. Même si elles sont considérées comme de vraies soldats, les soldats masculins, eux, lancent des paroles assassines à leur encontre, amplifiant le climat tendu. Tout le monde semble se liguer contre tout le monde, Voir du Pays verse dans le psychodrame où la misogynie commence à être intenable pour Aurore et Marine.
« Quand on rentre de la guerre, c’est partout pareil »
Les soeurs Coulin réussissent à nous immerger avec beaucoup de subtilité dans leur histoire. Rien n’est superflu, elles se concentrent à décortiquer les protagonistes par des plans rapprochés, tout en laissant patauger le spectateur dans l’inconnu. Que va-t-il advenir de ces soldats écorchés vifs. Par ces séquences virtuelles de guerre, Voir du Pays fait quelque peu du surplace sans jamais nous ennuyer. Les quelques maladresses et la linéarité du récit ne mettent jamais en péril le traitement opéré par les deux cinéastes. Dans cette oeuvre, il y a cette tension palpable, nous cherchons à savoir quand, à quel moment et lequel de ces militaires craquera le premier.
Captivant par cette mise en scène à bras-le-corps, Voir du Pays tient presque du thriller par instant. Appliquées et rigoureuses, Delphine et Muriel Coulin nous confinent curieusement dans un microcosme troublant. De la cassure mentale au cauchemar, les troubles psychologiques permettent à mettre en exergue les sacrifices de ces soldats pour servir leur pays. Force, violence et colère. Voir du Pays est un récit musclé qui risque d’en faire réfléchir plus d’un.
Voir du Pays | Extrait
Fiche technique :
Réalisé par : Delphine et Muriel Coulin
Date de sortie : 7 septembre 2016
Durée : 1h42min
Genre : Drame
Pays : France
Scénario : Delphine Coulin
Photographie : Jean-Louis Vialard
Distribution suisse : Adok
Casting :
Soko
Ariane Labed
Ginger Roman
Karim Leklou
Andreas Konstantinou
Makis Papadimitriou
Alexis Manenti
Robin Barde