Voici le récit du soldat le plus meurtrier de l’histoire des Etats-Unis d’Amérique.
Et pourtant, la première chose que l’on entend est l’appel du muezzin pour la prière. Cela nous indique immédiatement que Chris Kyle, le sniper américain, ne sera en fait pendant plus de deux heures qu’une marionnette d’une machine politique, dans une simplification affligeante d’un conflit ayant fait plusieurs centaines de milliers de morts.
Chris Kyle (Bradley Cooper) est un jeune homme originaire du Texas, pratiquant le rodéo, qui, dans un élan patriotique suite aux attentats de 1998 sur les ambassades américaines en Tanzanie et au Kenya, décide de s’engager dans la Navy américaine et deviendra un SEAL, spécialisé sniper. Avant son premier déploiement en Irak en 2003, il épouse Taya (Sienna Miller) et fonde une famille. Au Moyen-Orient, il se forge une réputation légendaire auprès de ses camarades et démoniaque auprès de ses ennemis durant diverses opérations et escarmouches. Il survit à quatre tournées en Irak tandis que ses camarades meurent les uns après les autres. Hanté par les vies américaines qu’il n’a pas pu sauver, Chris s’éloigne progressivement de sa famille et se trouve difficilement une utilité de retour dans son Texas natal.
Basé sur l’autobiographie de Chris Kyle, American Sniper est dangereux. En effet, une fiction aurait pu être acceptée universellement et attribuée aux préférences artistiques du réalisateur. En l’occurrence, c’est Clint Eastwood qui a repris la production lorsque Steven Spielberg se désista, la faute à un manque de temps accordé par Warner Brothers pour développer tout l’aspect psychologique souhaité. Dans la version Eastwood, l’histoire est trop ambitieuse de par sa portée pour tenir debout. Il y a trop de facettes qui veulent être insérées, comme son enfance au Texas, l’influence de son père, de la Bible et de son entourage, ou encore sa vie entre et après les déploiements. Des aspects indispensables pour comprendre le personnage, mais à mon avis mal intégrés.
Tout ceci est banalisé en quelque sorte pour en revenir au traditionnel western dont Eastwood fut l’incarnation: les cultivés et intègres blancs envahissent de force un territoire étranger pour éduquer les barbares et sauvages indiens/arabes (biffer selon la décennie souhaitée). American Sniper aurait été un cliché ennuyeux et frustrant fut-il une fiction, mais ceci est une opportunité gâchée de comprendre davantage le psyché, la mentalité et l’(in)humanité de ce conflit.
Des images choc apparaissent de temps en temps pour masquer le manque de développement, la majorité des dialogues sont idiots ou insignifiants pour meubler autour de la force politique qui bouge tous ces acteurs. Tandis que l’aspect qui souhaite en vain être mis en avant, à savoir le retour à la vie civile et le traumatisme causé par la guerre, n’est qu’une conséquence des actions du protagoniste et de cet agenda politique jamais mentionné durant les 132 minutes.
Les visuels et les couleurs sont délavés, parfaits pour l’ambiance, et autour du thème de la fierté et de l’amour pour la nation, Bradley Cooper porte solidement le film sur ces épaules (Happiness Therapy reste son meilleur rôle pour moi) avec une ressemblance physique frappante à Chris Kyle. Par moments, c’est Sienna Miller qui lui vole la vedette, mais le casting est impressionnant dans son ensemble.
Pourtant, American Sniper n’est en fait même pas un film de sniper. Les scènes d’action sont bonnes, certes, mais la plupart du temps durant le conflit, Chris est dans les tranchées. Démineurs (The Hurt Locker) est un meilleur film à propos de la guerre en Irak, tandis que Stalingrad (Enemy at the Gates) est un meilleur film de combat de snipers. Au moins, dans Stalingrad, le sniper opposé avait du texte…
J’ai toujours maintenu qu’un bon film transmet quelque chose à son public, car on peut s’y identifier. Ici, seule une partie de la population américaine saura s’y retrouver.
American Sniper est le récit du tireur le plus létal de l’histoire américaine, et son film est au mieux une glorification de la Guerre d’Irak en plaçant le patriotique par dessus le politique, et au pire de la vulgaire propagande.
La vérité se situe surement entre les deux.
Noté : 2.5 / 5
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Bande-Annonce
Casting
Bradley Cooper
Sienna Miller
Max Charles
Luke Grimes
Kyle Gallner
Sam Jaeger
Jake McDorman
Cory Hardrict
Navid Negahban
Eric Close
Eric Ladin
Keir O’Donnell
Sammy Sheik
Mido Hamada
Détails
Date de sortie en Suisse: 11.02.2015
Réalisateur: Clint Eastwood
Pays de production: Etats-Unis
Durée du film: 132 minutes
Genre: Action / Biographie
(Images droits réservés)