Timbuktu est le nom en anglais de la ville de Tombouctu au Mali. Jadis une des cités les plus importantes du monde, lorsqu’elle fut un centre économique, culturel et politique de l’Afrique et de l’Islam vers le XIVème siècle, la ville est aujourd’hui un site protégé de l’UNSECO dans le désert, avec une population qui souffre, s’appauvrit et fait face à la désertification.
Timbuktu, le film, est l’entrée Mauritanienne dans la catégorie de l’Oscar du meilleur film étranger, mais c’est aussi le film qui a reçu des prix aux festivals de Cannes, de Chicago, d’Abu Dhabi et au Festival International du Film Francophone à Namur, en Belgique.
Non seulement le film est symbolique par le choix du lieu; une ville autrefois prospère ayant sombré proche du néant, mais dès là première scène où l’on voit des statuettes Bambara utilisées comme cibles de tirs pour l’entraînement des soldats du Califat souhaité par l’Etat Islamique.
Le film se dresse très rapidement contre la violence et l’intolérance. Nous suivons la vie relativement paisible de Kidane (Ibrahim Ahmed), qui vit à l’écart de la ville avec sa femme Satima (Toulou Kiki) et leur fille Toya (Layla Walet Mohamed), et s’occupe de ses vaches. Pendant ce temps là, les militants de l’Etat Islamique ont instauré de nouvelles règles dans la ville et maintiennent l’ordre grâce à la peur, l’intimidation et la violence publique. Les ordres sont invectivés par haut-parleur en Arabe, en Français et traduits en Tamasheq pour la population locale qui se plie devant cette force étrangère. Mais concernant Kidane, c’est bien un drame humain et non religieux qui lancera le drame.
Entre les interventions récentes de l’armée française et les différents conflits liés à l’extrémisme religieux, Abderrahmane Sissako trouva son élément déclencheur pour Timbuktu lorsqu’il découvrit la lapidation à mort en 2012 d’un couple dans une petite ville du Mali. Indigné par le fait que cette exécution brutale ne fut pas condamnée, il se devait d’être le « passeur de cette conscience collective révoltée » déclare-t-il.
Et en tant qu’artiste et cinéaste, sa mission est accomplie.
Les dialogues sont poussés, raffinés, poignants. Nous avons plusieurs scènes avec l’Imam local qui raisonne en présence des oppresseurs contre la futilité de leurs actes. Nous avons Zabou, personne véridique atteinte de folie qui est la seule à échapper à la persécution et à librement traiter les soldats de « connards ». Nous avons les tirades poétiques devant le tribunal ou encore une scène d’enregistrement d’un message de propagande qui est tout simplement parfaite.
Mais ce sont par dessus les visuels qui nous coupent le souffle, avec des plans des paysages si épurés, un magnifique plan large au coucher du soleil, un match de foot sans ballon et un djihadiste à l’âme de danseur qu’il se voit obligé de refouler.
Timbuktu se rapproche davantage du documentaire que du film joué, (un très bon film, faut-il le souligner) avec une majorité d’acteurs amateurs dressant le portrait terne d’une société qui court vers sa ruine.
Mon reproche est qu’en infusant tant de réalisme cru dans son œuvre, tant de souffrance authentique, Monsieur Sissako nous pousse presque à penser que ce n’est qu’un film. Il serait facile, dangereux et surtout faux de se dire que son œuvre est une fiction.
Noté : 4 / 5
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Bande-Annonce
Casting
Ibrahim Ahmed
Toulou Kiki
Abel Jafri
Fatoumata Diawara
Hichem Yacoubi
Kettly Noël
Mehdi A.G. Mohamed
Layla Walet Mohamed
Adel Mahmoud Cherif
Salem Dendou
Détails
Date de sortie en Suisse: 10.12.2014
Réalisateur: Abderrahmane Sissako
Pays de production: Mauritanie / France
Durée du film: 97 minutes
Genre: Drame
(Images droits réservés)